La Sonate à Kreutzer avait un titre assez alléchant, assez fin, assez cultivé.
Mais quant au contenu... Dans le monologue du héros qui constitue l'essentiel de l'oeuvre, il y a tout pour excéder : le pessimisme tourne au sectarisme, à la propagande maladive d'un idéal que je trouve personnellement malsain, avec des généralités phallocrates à tout bout de champ, des conceptions totalement anti-progressistes, des digressions emphatiques tournant autour de la même idée insoutenable... Il va sans dire que je fus très déçue. Certes, l'originalité du fond est là, mais peut-être même un peu trop, le tout allant à l'encontre de la modernité (j'ignorais que Tolstoï était un vieux réac'...). Ce n'est pas pour ça que c'est mal, me dira-t-on ; mais aujourd'hui il est absolument impossible de défendre ce genre de conceptions sans choquer justement les gens un peu intelligents.
Je m'attendais à, comme me le vendait la quatrième de couverture, l'analyse des mécanismes pouvant mener dans un mariage au meurtre de l'épouse... Pas d'analyse cependant, juste de la description, appauvrie voire pervertie par les idées vigoureusement défendues par Pozdnychev, de sorte que l'on part du postulat selon lequel tout se passe fatalement comme ça dans le mariage, ce qui bien sûr ôte l'obligation d'expliquer comment. On me dira peut-être aussi que Pozdnychev n'est pas le porte-parole de l'écrivain ; pourtant, la postface dément cette supposition, car Tolstoï dit exprimer effectivement ses idées ici.
Je ne nie pas qu'elles puissent être parfois justes ; qu'il y ait beaucoup de vérités méconnues dans ce petit ouvrage ; des trouvailles, des moments intéressants. Mais noyés au milieu de ces affirmations péremptoires et imbuvables, où l'ironie est totalement absente, on n'a même plus envie de les voir. On a simplement envie de jeter le livre sans le terminer. Car après tout la fin, on la connaît depuis le début, alors à quoi bon...

Pourtant je l'ai achevé, ben oui, c'était court. Je lui mets 4 parce que 1) c'est original - 2) c'est complètement culotté et l'audace mégalomane mérite un point - 3) la deuxième moitié de l'oeuvre est un peu plus supportable - 4) on ne peut pas tout jeter, c'est bien écrit, et c'est Tolstoï nom d'une pipe, qu'avant j'aimais bien pour ses nouvelles, et que j'espère j'aimerai de nouveau quand je me serai attelée à ses monuments.
Eggdoll

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