La Terreur féministe
8.1
La Terreur féministe

livre de Irene (2021)

Voilà comment j'aurai appelé l'ouvrage si je l'avais écrit et j'aurais certainement questionné de façon plus approfondie les raisons pour lesquelles les personnes continuent de véhiculer des idées rétrogrades et sexistes, pour les femmes mais aussi pour les hommes.


Tant attendu, mais tout arrive à qui sait attendre, n'est-ce pas !


▪️Introduction


Pour Irene, il ne faut pas attendre que les réticences s'atténue vis-à-vis du féminisme pour agir et partir à la conquête de changements sociaux. Elle reprend la célèbre phrase "le machisme tue tous les jours" de Benoîte Groult pour rappeler que notre lutte peut l'être et que ce n'est qu'une résistance au sexisme ambiant.


▪️1. Dessine-moi une femme violente


XVIIèm siècle : Elle dresse le portrait d'Artemisia Gentileschi (sa peinture : Judith décapitant Holopherne), Lisbeth Salander (quel bonheur, une de mes héroines filmographiques incarnée par Naomie Rapace dans la version suédoise de Millenium) et Valérie Solanas (et son scum manifesto, que l'autrice associe à une fiction dystopique). Mais aussi d'Élisabetta Sirani (sa peinture : Timoclée poussant son violeur Thrace dans un puits)


C'est bien simple : l'imaginaire des femmes ne s'est pas construit avec la violence. Et cet essai nous apprend comment y reprendre goût et surtout comment échapper à la violence. Que même le mâle gaze dans les différentes adaptations des ouvrages Millénium, se sont retrouvé à réduire la violence de Lisbeth. Ce même mâle gaze donne souvent à voir dans les films traitant des violences faites aux femmes d'un vecteur érotique, fantasmatique (Volver, Plus jamais, Beignets de tomates vertes) : les violences masculines à l'écran sont rarement bien retransmises. Finalement, l'autrice n'en parle pas mais Jennifer Kent en réalisant The nightingale (le rossignol) réalise cet exploit de montrer le véritable malaise du viol sans sexualiser le scène et permet de percevoir l'horreur de l'agresseur l'homme blanc cis hétéro bien placé dans la société du point de vue féminin mais aussi des violences multiples exercées sur les femmes et les hommes pour leur couleur de peau.


▪️2. La violence pour la survie


Elle parle de sa grand-mère Ita, d'Ana Orantes, de Maria Del Carmen et de Noura Hussein.
- Ita dit une fois à son mari "si tu me frappes encore un fois je te tue, et il s'arrêta". Ita, c'est une grand mère féministe qui s'ignore, en tout cas, pour nos yeux de femmes en 2020 : elle frappe les agresseurs dans le cinéma (très répandu à l'époque) pour qu'ils arrêtent. Sa grand-mère était violente en terme de réponse car elle n'avait pas d'alternatives. C'était ça ou subir. Ma grand-mère c'était pareil : les fois où elle avait peur, elle privilégiait la course et crier par précaution. Une forme d'entre deux entre l'inaction et la violence, une réponse comme une autre. J'ai rarement eu affaire à la violence, à part envers moi-même. Cette non-violence permet aux agresseurs à leur tour d'agresser "sans violence" apparente, sans preuve, librement et de ne pas se rendre compte qu'ils violent ou agressent.
- Ana Orantes, le 4 décembre 1997 vient parler sur la chaine canal sur de violences conjugales. (Et je m'empresse de vous recommander ce documentaire par Marinette sur les cyberviolence conjugale : https://www.youtube.com/watch?v=xaPE-O44G3s) L'isolement, les humiliations répétées, les coups, les menaces de mort, voilà ce que sont les violences conjugales. Ana décide de se rebeller et de porter plainte. Au total 15 fois. Elle finit par faire annuler son mariage mais le juge lui impose de vivre à résidence, avec donc, son agresseur quotidien. le 7 décembre 1997, son ex-mari lui ôte la vie en l'arrosant d'essence. Lorsque les femmes arrivent à se libérer de leur agresseur, de leur emprise, ces fous du bocal les tuent. La domination masculine au comble de ses sévisses.
- Maria del Carman : 13 juin 2005 - elle tue un homme qui agonise dans les flammes. Quelles flammes ? Les flammes de la colère d'une femme dont on a violé sa fille. Les fumées qui en découlent sont celles du mépris, de la provocation de venir voir cette femme "pour prendre des nouvelles" et de la violence dont Antonio Cosme faisait preuve à sa sortie de prison. Elle parle aussi de l'affaire Jacqueline Sauvage et à ce sujet je ne peux que vous conseiller l'ouvrage suivant : "Lorsque je me suis relevée, j'ai pris mon fusil, imaginer la violence des femmes" de Valentine Faure. Une pensée pour Valérie Bacot et son procès en 2021. Fatiha Taoui n'aura pas la chance d'être blanchie par le président de la république puisqu'elle prend 3 ans ferme et 2 ans avec sursis. Bernadette Dimet sera condamnée 5 ans de prison avec sursis malgré que le parquet ait demande 8 ans de prison ferme. Les femmes tuent, mais pas par misogynie mais pour survivre.
Noura - une adolescente déjà promise au franc avenir du mariage... mais forcé. Mais ce n'est pas tout, sa famille la tient allongée alors qu'elle est violé par son "mari". Le lendemain, il tente de la violer à nouveau, mais elle le plante.


▪️3. La violence comme stratégie politique féministe


L'autrice dit ceci et je vais vous partager ce passage que je trouve prodigieusement juste : " Dans la préface de l'ouvrage, Nicolas Casaux affirme que " l'idée (utilisée comme une carotte) selon laquelle nos sociétés modernes sont moins violentes que celles qui les ont précédées est au mieux une vue de l'esprit, au pire un mensonge abject." De fait, la violence est omniprésente dans notre société. Mais nous nous y sommes tant habitué.e.s qu'elle est devenue presque invisible. Civil.e.s tu.é.e.s par les armées en zone de guerre, migrant.e.s noyé.e.s en Méditerrannée en répercussion de décisions gouvernementales, jeux vidéos sanglants, adolescent.e.s éduqué.e.s avec des pornos issus de la culture du viol...(...) Nous nous sommes habitu.é.e.s à l'intolérable. "


Ainsi que cette citation tirée d'un magasine espagnol La fronde de la journaliste Berta Gomez Santo : " Le féminisme est violent car il veut en finir avec les inégalités, et cela implique non seulement d'en finir avec les privilèges et de détruire les structures institutionnelles qui les rendent possibles, mais également d'attaquer l'imaginaire collectif qui permet de blanchir comme "normalité" les mécanismes de domination qui soumettent les femmes. Comme disait le philosophe Étienne Balibar, n'importe quelle action politique qui met au défit l'ordre institutionnel établi, et les relations de pouvoir qui le maintiennent, sera toujours considérée comme "violente" : c'est le pouvoir constitué qui se réserve le privilège de définir ce qui est violent et ce qui ne l'est pas." "


Emmeline, Christabel, Emily et les autres - Irene nous parle des suffragettes brittaniques qui se sont battues pour acquérir le droit de vote en 1918, même si elles ne peuvent seulement à partir de 30 ans, contrairement à 21 ans pour les hommes. Elles
sont Emmeline Pankhurst et ses filles, Christabel, Sylvia et Adela et forment le WSPU, la Women's Social Political Union. Aux États Unis aussi, les femmes luttent : Susan B. Anthony, Élizabeth Cady Stanton, Lucy Stone ou Sojourner Thruth. Mais ce sont les suffragettes brittaniques que l'on retient le plus selon Irene, s'expliquant par leur emploi radical de la violence, sans concession. A un meeting du parti libéral, Christabel crache sur un policier après s'être fait évacuée pour avoir posé la question suivante : "Quand le parti libéral donnera-t-il le droit de vote aux femmes ?" Le 30 juin 1908, Emmeline Pankhurst se rend à la résidence du premier ministre à Downing street et brisent les vitres de sa maison à l'aide de lancés de pierres. Elle passera six semaines en prison.


Zora la rousse - Un groupe d'action directe va faire parler de lui à travers des bombes ! Elles se font appeler Rote Zora, venant des initiales Revollutionäres Zellen, faisant référence à une organsiation révolutionnaire de guérilla d'Allemagne anti-impérialiste, anti-raciste et féministe. Elles ciblent les institutions médicales qui refusent l'avortement, les grandes entreprises capitalistes et les sex-shops qui vendent des "viols filmés". Elles vont incendier une église de la ville de Bamberg et déposer une bombe dans le tribunal constitutionnel de Karlsruhe alors que l'avortement devait être dépénalisé et a finalement été rejeté en mars 1975. Entre 1975 et 1995, ce groupe révolutionnaire de féministes auraient commis une cinquantaine d'attentats, sans compter les autres actions et néanmoins a toujours combattu pour ne porter atteinte et ne mettre en danger aucune personne.


Diana la vengeresse - Nous sommes en 2013, à Ciudad Juarez au Mexique. Deux chauffeurs meurent de plusieurs balles : Roberto Flores et Alfredo Zarata.Le contexte est le suivant : une montée de féminicides et de viols - en particulier des ouvrières des maquilas (usines où des femmes assemblent à bas coût des produits d'exportation) - dans l'État du Chihuahua sans que le gouvernement ne s'y intéresse. Les femmes sont violées, disparaissent, tuées, dans l'indifférence générale. Irene ne juge pas le geste de cette femme et condamne la situation. Mais je vous pose la question... qu'auriez-vous fait si vos amies vivaient ces horreurs et que vous, vous étiez susceptible de vivre la même chose ? J'aurais tiré aussi, je pense. Pas sûre de finir indemne d'une confrontation avec ces hommes pour leurs crimes, la mort est encore préférable. J'ai fantasmé l'idée de tuer mes agresseurs. A quoi servent les revenge movies ?


▪️Conclusion


Craindre les femmes, c'est commencer à les voir comme des êtres humains, disait Molly Fisher en 2018. Mais la terreur féministe est surtout un leurre patriarcal pour dévoyer la cause des femmes, en tout cas c'est ma lecture personnelle de ce livre et ma perception générale de la remise en cause des principes "de base" de la VIOLENCE PATRIARCALE.


La violence féministe à la différence de la violence patriarcale n'est pas oppressive, elle est subversive.

FministeLibertaire
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le 4 janv. 2021

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