S'il serait hasardeux de comparer Jonathan Coe à Docteur Jekyll et, donc, Mister Hyde, on peut aisément s'accorder sur ce point : ce gentil garçon bien élevé semble par moments cacher une toute autre personnalité.

Côté pile donc, Docteur Coe, PHD en littérature anglaise, cheveux poivre et sel, petite raie sur le côté, enfance à Birmingham, auteur de « romans de société » qui prennent à bras-le-corps les vraies questions - notamment politiques, quelques prix au compteur dont le Médicis 1998 pour La maison du sommeil, respectabilité tout ça, bref un universitaire qui structure très bien ses livres, qui écoute Ravel et Debussy quand il écrit, qui ne laisse rien au hasard. Un potentiel de type un tout petit peu chiant.
Côté face, Mister Jonathan, fan de musique qui participe par-ci par-là à des enregistrements et rêve de monter son groupe, Bible vivante sur la contre-culture british et auteur d'une biographie sur l'avant-gardiste B.S.Johnson, d'essais sur Humphrey Bogart et James Stewart, fou de cinéma et surtout des Demoiselles de Rochefort, de Demy et de la Pop, un type à l'humour ravageur, pince sans rire 100% british, accroc à Internet, qui s'est essayé à Facebook et Second-life, bref, un écrivain avec qui on taperait bien le bout de gras.

Avec La vie très privée de Mr Sim, Jonathan Coe nous offre ainsi un condensé de schizophrénie absolument délicieux. Pour le Docteur Coe, le thème est clair: « le vrai sujet du roman est l'opposition entre les relations concrètes et virtuelles. Les nouvelles technologies créent une dépendance et aussi parfois des complications. Quand deux personnes face à face envoient des SMS de leur côté au lieu de communiquer, ça devient un peu ridicule non ? ». Merci Doc. Le pitch ? Il tient en quatre mots : Maxwell Sim, quarante ans. Représentant en brosse à dent, Mr Sim a vu sa femme partir avec leur enfant. Pas un mail, pas un contact Facebook auprès de qui s'épancher. Son seul ami en définitive est le GPS d'une Toyota de location avec qui il flirte ! Pire : pour avoir entendu parler de l'incroyable traversée du navigateur Donald Crowhurst, il s'identifie et imagine sa vie de looser comme une fantastique épopée.

Le réel et le virtuel, un problème qui touche aussi Mister Jonathan : « j'ai une vraie relation d'amour-haine vis-à-vis d'Internet et j'étais tout le temps fourré avec mon ordinateur mais récemment, dans un train Paris-Bâle, je me suis retrouvé sans batterie. J'étais en train de travailler sur un texte, et je suis resté sans réaction. Puis, quelques longues minutes plus tard j'ai réalisé qu'il était possible d'utiliser un papier et un stylo, comme au bon vieux temps, solution que j'avais presque oubliée ! Depuis, j'ai acheté des carnets et je suis retourné exclusivement à l'écriture manuelle... ». Un livre habile et drôle écrit à quatre mains par un seul homme : il faut lire La vie très privée de Mr Sim.
bilouaustria
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le 13 mars 2011

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