Alors qu'Alain Damasio a sorti récemment son troisième livre (que je n'ai pas encore lu), je viens de finir de lire son tout-premier : La Zone du Dehors.


J'ai adoré son deuxième Livre, "La Horde du Contrevent". J'ai adoré lire 1984. Donc autant dire que j'avais toutes les raison d'aimer La Zone du Dehors, un roman dystopique centré sur des révolutionnaires dans une société dystopique ultra-sécuritaire, compétitive et capitaliste.


Une sorte de "1984" remise au goût du jour, en quelque sorte.


Ceci étant premier roman de l'auteur, écrit quand il avait 22 ans en 1992  et partiellement réécrit en 2007, il souffre donc de tous les écueils que vous pourrez imaginez (je sais de quoi je parle, pour avoir écrit vers cet âge) : un personnage principal qui est le reflet de l'auteur (sans en faire une Mary Sue ceci dit, car le personnage a ses faiblesses), un style lourd, irrégulier, des dialogues très théâtraux voir pompeux, et une histoire d'amour un peu trop... chiante. Je ne sais pas quelles parties ont été réécrites en 2007, mais une chose est sûr, il aurait pu aller bien plus loin.


A vrai dire, j'ai mis un certain temps pour lire ce livre. Pas seulement du fait que n'ai pas beaucoup de temps pour lire, pas seulement parce qu'il requiert une certaine énergie intellectuelle pour s'y remettre, mais surtout parce que l'écriture est mal maîtrisée. La narration, toujours à la première personne, bascule constamment entre plusieurs personnages, parfois dans des scènes différentes, mais on ne comprends souvent pas dans quelle tête on est.


Le pire étant les quelques scènes d'actions, brouillonnes et  dont les bascules constantes les rendent épouvantables. je les ai souvent sautés.


On retrouve ces mécanismes dont la Horde du Contrevent, mais dans ce dernier ils ont beaucoup mieux maitrisés (un système de "glyphe" identifie notamment dans quel personnage on est).


Voilà pour les principaux défauts ; vous êtes prévenus. Pourtant, je recommande ce livre au même titre que je vous recommanderais de lire 1984 une fois dans votre vie ; en "exagérant" sur les travers de nos sociétés, on parvient a mieux la comprendre et avoir un regard critique.


Dans sa vie personnelle, l'écrivain est engagé, mais il est nuancé dans ses propos.  J'ai lu beaucoup d'avis de lecteurs qui n'ont pas aimé le coté "donneur de leçon" ou "moralisateur" du livre, qui se sont sentis attaqués personnellement par l'auteur.


J'ai envie de leur dire, que si ils se sentent oppressés par les points de vue de l'auteur, ils devraient plutôt se remettre en question eux-même... Et surtout qu'il lisent jusqu'à la fin !


Car la narration se fait principalement du point de vue des révolutionnaires ; pourtant a la fin on rentre dans la tête de l'opposition, et dans tous les cas, l'auteur est critique sur tous les camps ; à la fois sur les gestionnaires, manipulant les gens avec une approche très "marketing" dans l’intérêt du bien commun et de la survie de l'espèce ;  les "gens normaux", qui abandonnent consciemment leur liberté individuelle au profit du confort ; mais aussi les révolutionnaires, dont la certitude d'avoir la vérité absolue et leur obsession a vouloir imposer leur façon de voir "par n'importe quel moyen" (dépassant souvent la frontière entre l'activisme et le terrorisme).


Bref, rien n'est blanc ou noir, tout est gris, et un peu déprimant et pousse à l'introspection. C'est Damasio.


J'ai beaucoup aimé les idées, cauchemardesques, du futur vu par Damasio ; par exemple le système de "claste", mélange entre classes et castes (comme tous bons auteurs de SF, Damasio a le don de faire comprendre des notions juste avec leur mots), ou chaque année chaque citoyen est évalué et noté, et ainsi sa fonction (et même son nom) change. Cela déprive les gens d'identité, et pousse la méritocratie jusqu'à son paroxisme (on peut savoir l'importance de quelque juste avec son nom : moins il y a de lettre, plus est est élevé dans la hiérarchie sociale), ou encore le fait que tout le monde peut être espionné par tout le monde, même dans l'intimité ; ou encore tous les mécanismes liés a la consommations (les Caddies qui prennent les articles pour vous suivant votre profil et votre budget), etc etc.


Je recommande donc vivement ce livre à toutes les personnes qui se posent des questions sur les dérives de nos sociétés avec le consumérisme, le travail, la politique libérale et sécuritaire, le détournement de principes moraux au profit du confort...


... Et je le recommande encore plus aux personnes qui ne s'en posent pas !

Corvid
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le 12 août 2020

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Corvo Attano

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