Jack Vance est sans doute un des auteurs de science fiction les plus prolifiques (et pas seulement dans le domaine de la SF). Il est certainement celui qui réussit le mieux à décrire des sociétés humaines et des cultures fantastiques, étonnantes, picaresques et si vivantes. Pourtant, quand on l'interrogeait sur cette extraordinaire imagination, il répondait qu'il n'inventait rien. Tout ce qu'il représente, c'est la Terre dans son extraordinaire diversité. Quel coup pour tous ceux qui pensaient faire preuve d'imagination!


Ancien officier de marine marchande, il a parcouru la planète dans tous les sens et ne s'est manifestement pas contenté des bars à marins lors de ses escales. Au fil de ses livres, nous retrouverons les hommes fleurs de Sumatra, les artisans japonais qui ont la réputation de laisser une part de leur âme dans leurs oeuvres, ou les indiens d'Amérique qui s'identifient à leur totem.


La planète Gallingale nous semblera peu exotique et même assez familière. Ce qu'il nous décrit est en fait la société provinciale américaine. Il critique avec un humour discret mais féroce une société mesquine, sclérosée, repliée sur elle-même où cet aventurier globe-trotter a dû se trouver bien à l'étroit à l'heure de la retraite. On retrouve tous les travers que dénonce Sinclair Lewis dans son "Babbitt", mais avec plus d'humour et sans les mêmes concessions.
Vance n'en reste pas moins convaincu de la suprématie américaine qui sous-tend nombre de ses romans.


L'écriture de Vance est toujours passionnante avec un vocabulaire très riche et précis (heureusement pour les traducteurs, la langue française est plus riche que l'anglais) qui l'amène souvent à créer des mots adaptés à la culture qu'il décrit, tels ici que "comporture" qui est un ensemble d'attitudes bienséantes et de comportements conformes à son statut social à la base de "l'estrivage", qui consiste à employer tous ses efforts à améliorer sa position dans la société. Malheureusement, dans ce roman, Vance s'attarde trop sur la vie dans cette société au point de devenir redondant et de lasser.


Mais ensuite, vient l'aventure avec d'autres mondes et d'autres cultures comme la lointaine, l'antique, la fastueuse, la dangereuse et surtout extravagante et décadente Romarth. De très anciennes familles oisives vivent dans un raffinement extrême, dans de somptueux palais, dans le culte d'un passé prestigieux... Vous ne devinez pas à qui Vance fait référence? Cherchez un peu...
Cette culture et ces exigences de savoir-vivre et la tolérance un peu méprisante qu'affichent ces aristocrates pour la grossièreté des "hors-mondiens" irritent nos héros, eux-mêmes assez condescendants (car l'auteur s'assimile à ces "américains" de Gallingale).


Signalons parmi les personnages, un capitaine de vaisseau spatial qui fait du cabotage d'étoiles en étoiles pour acheter et vendre du fret. Il se montre particulièrement âpre lors des négociations. On pense bien sur, à l'auteur.


Vance est avant tout un créateur d'ambiances et son écriture est faite d'ironie piquante et d'humour distancié. Elle se déguste avec gourmandise comme un bonbon acidulé. Mais toutes ces critiques sociétales sont-elles bien de la science fiction? Car finalement de quoi parle-t-il dans toute son oeuvre, si ce n'est de l'homme?

-Marc-
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le 26 mai 2017

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