Ernesto Cata (12 ans) et George Bowlegs (14 ans) étaient des amis de collège. En parler au passé se justifie parce que le prologue ne laisse guère de doute sur le fait qu’un meurtre est commis. Cata était un Zuñi « celui que l’on appelle le Dieu du feu », en gros un jeune garçon destiné à tenir un rôle essentiel dans une cérémonie religieuse importante de son clan. George Bowlegs, lui, est (était ?) un Indien Navajo. La tribu Zuñi de Cata est entourée de tribus Navajos. De manière générale, les Zuñi ne portent pas les Navajos dans leur cœur…


L’histoire commence avec la disparition d’Ernesto et George. Une enquête est menée par plusieurs hommes sous différentes juridictions qui se jalousent. Nous sommes sur un territoire américain, dans une réserve indienne où existent la police Zuñi et la police Navajo, Joseph Leaphorn appartenant à cette dernière. A ce titre, Leaphorn est chargé d’enquêter sur la disparition de George Bowlegs, même si la disparition du jeune Navajo est probablement liée à celle de son ami Zuñi.


Bien visibles, des traces de sang sur un sentier où Ernesto courait font craindre le pire, bien qu’aucun cadavre ne soit retrouvé. Mais si Ernesto a été tué, par qui l’a-t-il été et pourquoi ? Si George n’est pas l’assassin de son ami, pourquoi serait-il en fuite ? De plus, même s’il avait la réputation d’être un peu fou, George était fasciné par la culture Zuñi, au point de vouloir devenir l’un d’eux. Mais cette possibilité est-elle seulement envisageable ? Sa fuite pourrait le conduire Là où dansent les morts lieu incertain qui serait le paradis selon les Indiens Zuñi.


L’enquête de Leaphorn le conduit auprès de la famille de George (son père et son frère), d’un prêtre aux origines irlandaises et de Susanne une jeune blonde qui plaisait bien à George. Susanne était proche de deux anthropologues faisant des fouilles dans la région. Ceux-ci ont leur théorie à propos du lointain passé des tribus indiennes. Leur passion est de chercher des éléments tangibles qui leur permettront de valider leur théorie auprès de leurs pairs, une théorie particulièrement intéressante. On comprend que des adolescents en quête d’identité aient pu être fascinés par cette démarche. La trame imaginée par Hillerman est une magnifique occasion d’explorer les coutumes ancestrales des différents clans.


Une nouvelle fois, Tony Hillerman réussit avec une remarquable économie de moyens, à donner une belle approche du milieu Indien tout en troussant une intrigue qui conserve son mystère jusqu’au dernier chapitre. On sent en particulier combien étrange est la situation de la Réserve Indienne, véritable enclave dans le territoire américain. Sans la moindre amertume, Hillerman défend avec force l’esprit Indien dont la quête est l’harmonie avec son territoire, pas vraiment l’idée qu’on se fait du rêve américain. La figure de Joseph Leaphorn apparaît dans sa complexité de policier Navajo. Et l’intrigue policière tient toutes ses promesses, jusqu’à un ultime chapitre (le vingtième, pour un total de 238 pages) qui apporte de terribles révélations. Tony Hillerman a imaginé un implacable enchainement de faits, avec les conséquences dramatiques des intérêts personnels des uns et des autres. Ce chapitre montre le travail de Leaphorn, capable de raisonner aussi bien sur le court terme que sur le long terme. Il a beaucoup observé et discuté avec les uns et les autres. Et, même s’il me paraît difficile d’imaginer que le lecteur parvienne au même raisonnement que lui, c’est d’une belle subtilité. Ce serait peut-être lui faire injure, mais pour nous français, on pourrait dire qu’en suivant les traces de Leaphorn, Hillerman avance avec des ruses de Sioux.


Publié entre La voix de l’ennemi (1970) et Femme qui écoute (1978), ce deuxième titre de la trilogie Leaphorn a valu l’Edgar (prix du meilleur roman policier publié aux Etats-Unis), à son auteur en 1973.

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le 9 août 2015

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