Au sommet du Mont des Tempêtes se dresse la demeure lugubre et abandonnée de la famille Martense. Selon les légendes locales des montagnards, elle est réputée habitée par une horreur innommable qui sort les nuits d'orage et enlève les voyageurs solitaires, quand elle ne les laisse pas affreusement déchiquetés sur le bord de la route. Bien décidé à découvrir de quoi il en retourne réellement, un intrépide investigateur forme une équipe et, une nuit où les éclairs fendent l'atmosphère, prend la route de la maison maudite...

La peur qui rôde, publiée sous le titre original de The Lurking Fear en 1923 est une nouvelle archétypale du style d'horreur lovecraftien, et sans doute aussi l'une des plus accessibles. On y retrouve ainsi les grands ingrédients du récit du maître de Providence: l'équipe d'investigateurs, la malédiction familiale, l'horreur indescriptible, le texte à la première personne et le narrateur sombrant progressivement dans la folie. La tension du récit monte progressivement jusqu'à atteindre son paroxysme dans les dernières pages. Il s'agit bien d'une nouvelle d'horreur exécutée avec classe (pas de déballage de gore ni de faute de goût), parfaitement maîtrisée, de l'exposition au dénouement, qui ravira les fans du genre. Détail intéressant: il n'y a pas de «Mythe de Cthulhu» dans cette nouvelle, et c'est l'occasion de rappeler que l’œuvre de Lovecraft ne se résume pas aux Grands Anciens.

Ceux qui me connaissent savent que Lovecraft est un auteur que je prise particulièrement. "La peur qui rôde" je dois bien en posséder déjà trois éditions différentes, en français, en anglais, en poche, Bouquins Laffont... et bien que figurant parmi les classiques et étant particulièrement bien construite, il ne s'agit pas de ma nouvelle préférée ni celle qui me serait spontanément venue en tête si d'aventure on m'avait demandé un conseil (peut être à tort d'ailleurs, car après cette relecture je me faisais la remarque qu'elle constituait sans doute un excellent premier contact). Pourquoi en parlé-je alors dans cette chronique ?

Et bien voilà: les Éditions Alternatives, dans leur collection Tango en ont sorti une nouvelle édition très richement illustrée par un designer graphique: Romain Fournier. Le résultat est époustouflant. Le travail de l'illustrateur est tout simplement brillant et colle parfaitement à l'ambiance lovecraftienne: il a su saisir l'atmosphère du récit et la transposer dans son travail avec talent. Les illustrations sont abondantes: chaque page de texte comporte une illustration en regard, auxquelles s'ajoutent des illustrations en double page. Même pour la dixième fois, c'est un véritable plaisir que de relire cette nouvelle, car le travail graphique l'éclaire sous un nouveau jour et produit un résultat unique tout à fait saisissant. Les techniques utilisées par l'artiste sont un mélange de photographie, de dessin et de composition typographique, le tout étant retravaillé numériquement. On peut voir les œuvres sur son site web, dans la galerie correspondante, et ainsi se faire une idée du rendu graphique de son travail.

Au final, cette énième réédition du travail de Lovecraft est singulière par l'inclusion d'un travail d'illustration tout à fait exceptionnel de Romain Fournier. La fusion des travaux littéraires et graphiques des deux auteurs au sein d'un même ouvrage par l'éditeur produit un résultat tout à fait unique et j'encourage tout fan de Lovecraft à jeter un œil à ce livre. Pour ceux qui ne connaissent pas encore l'auteur, ce sera une occasion plaisante de découvrir un auteur littéraire majeur du genre d'épouvante/fantastique du XXe siècle. Dans tous les cas, c'est l'occasion de découvrir un designer talentueux, et à suivre de très près.
matteo
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le 27 nov. 2014

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