Après le récit-titre (72 pages - 1987), ce recueil présente L’homme qui revient (83 pages - 1990) qui est largement mieux qu’un complément. Le recueil comprend aussi une préface signée Dominique Palmé (traductrice du second récit, alors que Véronique Brindeau a traduit le premier), 5 pages intéressantes qui permettent d’en savoir plus sur l’auteur (japonais, né en 1945), sa formation avec des études scientifiques, son intérêt pour la Grèce où il a vécu (il a traduit des poètes grecs contemporains) et son goût pour les voyages y compris intérieurs (par la lecture et la réflexion), pour tenter de comprendre le monde. Bref, voilà un auteur étonnant, capable de créer des atmosphères où le fantastique émerge de manière très personnelle. On peut n’y accorder qu’une importance très relative dans le premier récit (quelques détails à la fin), alors qu’il imprègne complètement le second.


La vie immobile permet de découvrir un style sans fioritures qui va à l’essentiel, avec une histoire pas toujours crédible dans ses détails pratiques (les opérations boursières par exemple), qui fait entrer dans l’univers de l’auteur. On sent ainsi qu’il cherche à pousser la réflexion sur la voie à explorer pour l’épanouissement individuel dans une société où il devient de plus en plus difficile de s’écarter d’une certaine norme. Ici, Ikezawa s’intéresse au monde du travail (dans une teinturerie), puis à l’amitié qui se noue d’abord au travail entre deux hommes plutôt jeunes qui vont s’isoler dans une grande maison. Sasai apporte l’idée, le narrateur la maison. Sasai le mystérieux va faire comprendre à son hôte que la possession matérielle n’apporte pas grand-chose. Extraits issus de la toute première page :


« Il ne faut pas croire que le monde soit là pour toi. Le monde n’est pas un récipient fait pour te mettre dedans.
Le monde et toi êtes comme deux arbres côte à côte : aucun ne prend appui sur l’autre et chacun, séparément, se tient debout. »
« … il n’y a pas que le monde extérieur. Un autre loge en toi. Tu peux te le représenter, avec son aube immense. Et là se tient la conscience, à la lisière de deux mondes.
Ce qui compte, c’est d’établir des échanges entre les montagnes, les êtres, les ateliers de teinturerie, le chant des cigales, tout ce qui fait le monde extérieur et le vaste monde qui est en toi ; c’est de rechercher, entre ces mondes distants d’un pas, des échos, une harmonie. »


Si le premier récit pêche un peu par excès de théorie (alors qu’il apporte beaucoup, question réflexion sur la perception du monde), le second séduit énormément par son histoire très habilement amenée par éléments successifs qui enrichissent l’intrigue. Très présent, le fantastique n’est jamais un élément gratuit destiné à en mettre plein la vue. Non, c’est encore une fois, le moyen pour faire en sorte que le lecteur réfléchisse à sa position dans le monde. Un monde où Ikezawa réussit le tour de force de nous faire croire que tout n’est pas encore exploré et que d’incroyables surprises peuvent nous amener à réviser notre conception des valeurs essentielles. La présentation éditeur n’hésite pas à rapprocher Ikezawa de Gabriel Garcia Marquez en utilisant l’expression « réalisme magique » qui n’a rien d’usurpée à mon avis. Intelligemment mené, ce récit très prenant apporte une réflexion qui donne vraiment envie de découvrir d’autres œuvres d’IKEZAWA Natsuki (merci au passage aux éditions Philippe Piquier de respecter la façon japonaise de donner le nom de famille en premier).


La vie immobile : 7
L’homme qui revient : 9

Electron
8
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le 21 mars 2017

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