Fiche établie suite à la première lecture d'un roman de Daphne du Maurier trouvé chez un bouquiniste cet été.

D'abord, il faut dire que Daphne du Maurier est un écrivain qui me fascine depuis de très longues années ; J'ai commencé à lire "Rebecca" puis "Ma cousine Rachel" puis, puis etc … Les deux romans cités, je les ai même lus en anglais (car le style de Daphne du Maurier est simple et classique) et ai découvert à cette occasion que l'édition française que j'avais de ces bouquins était incomplète (un comble !) ; ce qui fait que je les avais rachetés dans une édition française complète.

Bref, Daphne du Maurier et moi, c'est toute une histoire et un rayon non négligeable de ma bibliothèque …

Mais là, un roman que je ne connaissais pas ! En plus, une histoire très curieuse.

Pensez-donc, John, un anglais qui aime la France et y passe du temps rencontre Jean, comte de Gué, un aristocrate, libertin à tous les sens du mot, dans un bistrot ; ils découvrent avec stupeur qu'ils sont des sosies parfaits. Suite à une (im)mémorable séance de soulographie, Jean, comte de Gué, subrepticement prend la défroque de John. A son réveil dans une chambre d'hôtel ce dernier se retrouve, à sa grande surprise, dans les habits de Jean de Gué et son chauffeur vient le retrouver pour le ramener au château.

Mon propos n'est pas de raconter le livre ; il est de partager l'impression de folie dans laquelle un homme John n'est plus reconnu comme John mais comme Jean. Pendant longtemps, le livre a laissé place au doute : John et Jean, est-ce deux personnes différentes ou bien est-ce la personnalité de l'un qui se retrouve dédoublée dans une nouvelle vie ?

Au risque de spoiler, je précise que John et Jean sont bien deux personnes différentes. D'ailleurs, je pense que l'autre possibilité m'aurait nettement moins intéressé. Dans ce roman, John prend la décision de suivre ce que le Destin lui a préparé. Il s'immisce dans une nouvelle famille, découvre peu à peu qui est qui, l'histoire de Jean et de sa famille, les vieilles haines et les vieilles rancœurs. Il s'immisce sans que personne ne s'en aperçoive, commet d'inévitables gaffes, s'attache à sa nouvelle famille, gère les affaires.

Même si cette substitution a quelque chose d'invraisemblable (déjà un anglais se faisant passer pour un français …), elle présente un intérêt indéniable pour le lecteur. Qui au cours de sa vie n'a pas un jour rêvé de prendre la peau de quelqu'un d'autre et de refaire sa vie ? Qui au cours de sa vie n'a pas un jour de découragement rêvé de foutre le camp, de tout passer par zéro, de faire un "reset" (pour parler moderne) et de changer de destin. C'est le fantasme absolu de tout être dese donner la chance de vivre une nouvelle vie. D'ailleurs, entre nous, le visionnage d'un film, la lecture d'un roman n'est-ce pas aussi une façon aisée et sans risque de changer de peau pendant quelques heures ?

Là c'est le parfait exemple : John, c'est le célibataire, sans famille, dont le job est de faire à l'université à Londres des conférences sur l'histoire de France et dont la vie est terne et sans relief puisque son objectif, avant sa rencontre avec Jean, était de finir à la Trappe en France. Cette substitution devient un dernier challenge, une dernière chance qui lui est donnée et pourtant les difficultés sont énormes… Mais il prend à bras le corps le challenge, il s'implique et il revit.

J'avais lu un livre de SF, dans mon jeune temps, "les rois des étoiles" et "le retour aux étoiles" de Edmond Hamilton qui évoquait aussi un échange de personnalité entre un obscur fonctionnaire du XXème siècle et un prince d'un royaume d'étoiles dans un lointain futur.

Pour finir, le livre de Daphne du Maurier m'a d'abord intrigué puis, une fois que j'ai pris mon parti des invraisemblances (après tout, c'est plus vraisemblable que l'histoire de SF sus-mentionnée), j'ai réellement été passionné par le livre dont je supputais à chaque page la fin possible qui restait parfaitement ouverte. Et je dirais que jusqu'à la quasi dernière page, le mystère reste entier.

Ce roman est une subtile analyse de l'identité mais aussi du bien et du mal.

La fin choisie par l'auteur n'est pas celle qui m'aurait le plus plu mais ceci reste l'apanage de l'auteur qui a décidé de ne pas bouleverser l'ordre cosmique des évènements …


JeanG55
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le 23 août 2022

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JeanG55

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