Le méchant Faulkner m'a malmené, violenté pendant 215 pages. Il m'a noyé dans une prose hachée, m'a privé de ponctuation et de repères spatio-temporels. Il m'a plongé dans un bouillonnement de mots que j'ai eu peine à associer à un réel stream of consciousness, comme ses inventeurs appelaient cette technique de torture du texte. A peine Faulkner m'a t'il offert la répétition de motifs, de sensations pour motiver ma lecture.
Et puis à la page 217, les nuages se sont écartés. Le calme est revenu, même si c'était un calme aux dents serrées, boursouflé de haine. Je me suis pris à aimer mon bourreau d'auteur, et à aimer le bourreau qu'il décrit dans cette troisième partie du roman. Double syndrome de Stockholm donc. L'abject vaut mieux que le désordre de la pensée et j'ai dévoré la fin du roman, tiraillé entre admiration et ressentiment.
Je note sévère, puisque je sais que l'immense plaisir ressenti à la lecture des deux dernières parties du roman n'est pas tout à fait honnête. Il est alimenté par le mécanisme de l'identification à l'agresseur. Faulkner est l'agresseur du texte, le bourreau de la narration. On le craint évidemment (où peut aller la littérature au-delà de l'informe première partie ?), mais on finit par l'aimer.

maitregazonga
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le 26 oct. 2018

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