La quatrième de couverture promettait un subtil mélange de roman policier so british et d'uchronie et je dois dire que je n'ai pas été déçu. Ca commence en fait très exactement comme un roman d'Agatha Christie : réunion de famille dans une somptueuse demeure, à la campagne et dans un milieu très aisé. Des industriels et des politiciens aux portes du pouvoir. Et plouf, sir James Thirkie, favori pour le poste de premier ministre est victime d'un assassinat. Et naturellement, Scotland Yard déboule en la personne de l'inspecteur Carmichael qui, étant donné le pedigree de ses clients, marche sur des œufs. Mais n'est pas décidé à s'en laisser compter.


Mais Jo Walton prend vite ses distances avec Agatha. Le roman est construit sur une alternance de chapitres, l'un narrant l'enquête de l'inspecteur Carmichael et le suivant relatant - à la première personne du singulier - le point de vue de Lucy Eversley, l'une des protagonistes principales de l'histoire. Jusque là, pas de quoi choquer notre pudibonde Agatha, me direz-vous. Sauf que Lucy - personnage par ailleurs très Agatha Christien - évoque sans ambiguïté les relations sexuelles qu'elle a avec son mari. En tout bien tout honneur, mais tout de même. Et, de plus, l'homosexualité masculine surtout, mais aussi parfois féminine, est omniprésente dans le bouquin. Elle est bien sûr pénalisée, mais semble très répandue, notamment chez les personnages de la haute qui apparaissent dans le roman. Et des termes très crus sont même parfois utilisés. Shocking !


Mais je m'égare sans doute un peu avec ces histoires de mœurs. Car le propos principal, s'agissant de Lucy, est qu'elle est mariée avec un juif. Cela dans une Angleterre qui a fait la paix en 1941 avec Hitler et qui est désormais gouvernée par des conservateurs (mais pas Churchill, bien sur) de la plus pure espèce : mépris de classe, haine des syndicats (je ne parle même pas des bolcheviks) et antisémitisme rampant. Enfin, de moins en moins rampant et de plus en plus affirmé ouvertement. L'influence continentale sans doute, puisqu'Hitler règne désormais sur la totalité de l'Europe occidentale. Et, mais je n'en dirai pas plus, le dénouement du Cercle de Farthing marquera un pas supplémentaire dans la transition d'un conservatisme déjà assez radical vers le fascisme.


L'ensemble, avec cette double narration, est bien ficelé, ce qui fait que ce bouquin se lit avec gourmandise, même si le sujet n'est pas des plus joyeux. Et au delà de la forme, Jo Walton explicite de façon très claire les passerelles, finalement assez naturelles, entre droite traditionnelle (disons, de domination de classe) et extrême droite. Et attention, l'un des symptômes est la stigmatisation de plus en plus marquée d'une communauté. A bon entendeur...

Marcus31
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu en 2018

Créée

le 25 févr. 2018

Critique lue 220 fois

4 j'aime

2 commentaires

Marcus31

Écrit par

Critique lue 220 fois

4
2

D'autres avis sur Le Cercle de Farthing

Le Cercle de Farthing
Naimou
7

Un roman policier uchronique ? En voilà une idée !

J'ai bien failli arrêter le livre après 50 pages. Je venais de finir un roman policier, je voulais lire un roman fantastique, et bim, je me retrouve devant un autre roman policier ! J'avais...

le 7 oct. 2015

2 j'aime

Le Cercle de Farthing
fzilbermann
7

Le complot contre l'Angleterre

Si Rudolph Hess avait réussi sa mission en mai 1941 au lieu d'être arrêté et mis en prison ? C'est le point de divergence de cette uchronie qui m'a vraiment fait penser au livre "Le complot contre...

le 28 nov. 2017

Le Cercle de Farthing
Mara
9

Un must pour les amateurs de romans policiers et d'uchronies

Ce roman nous plonge dans une enquête à l'atmosphère feutrée, emplie de non-dits. Derrière le vernis d'aristocratie à l'anglaise, de déjeuners champêtres, et de respect des convenances, se cache un...

Par

le 9 juil. 2017

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

35 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime