Le Chardonneret
7.5
Le Chardonneret

livre de Donna Tartt (2013)

Tous les dix ans, Donna Tartt nous donne de ses nouvelles. Une attente interminable compensée par la longueur de sa lettre, qu'elle ne conçoit autrement autrement que sous forme de pavé. Si Le petit copain avait déçu, après son entrée en fanfare en littérature avec Le maître des illusions, Le chardonneret se révèle un opus passionnant, tortueux, riche en rebondissements, en longues descriptions, et en ruptures de style comme les romans européens du XIXe siècle. Dickens, pour l'aspect apprentissage, et Dostoïevski, pour le côté noir de l'âme humaine, sont deux des références majeures de ce roman fleuve mais beaucoup d'autres pourraient être citées y compris dans la littérature américaine. Le chardonneret commence extrêmement fort avec une déflagration dans un musée de New York qui fera perdre au héros du livre, le jeune Theo, sa mère et la plupart de ses illusions quant à ce que la vie peut contenir de joies et d'espoirs. Au passage, il y "gagnera" un petit tableau, symbole de son deuil, qui ne va cesser de l'accompagner dans les 15 années suivantes de son existence. Passons sur le parallèle avec la peinture elle-même, ce chardonneret, oeuvre de Carel Fabritius, miraculeusement rescapé de l'explosion de la poudrière de Delft (le tableau, pas le peintre, qui succomba à ses blessures) : les correspondances sont légion dans ce roman dense et chaotique qui, malgré quelques longueurs, reste maîtrisé de bout en bout. Richesse des portraits : Théo, sa mère tant aimée, son père alcoolique et détesté, Hobbie, son mentor bienveillant, Boris, son ami et son âme damné, Pippa, son amour impossible, la famille Barbour, etc. Densité de l'intrigue et précision de sa géographie : New York, pour les racines ; Las Vegas, pour la dérive ; Amsterdam, pour la descente aux enfers. Aucun personnage n'est entièrement noir ou blanc, Theo, lui-même, est voleur, menteur, drogué, névrosé. Et porte en lui le traumatisme d'un deuil impossible. Le suivre sur sa route, où les hasards et les coïncidences abondent, est le grand plaisir de ce livre ô combien romanesque qui prend son temps avant de prendre des accents de film noir, dans ses 200 dernières pages, et sur lequel on pourrait écrire des commentaires à n'en plus finir. Le mieux est encore de s'y plonger sans réfléchir et de se laisser aller car même si l'on boit la tasse parfois, on se retrouve toujours la tête hors de l'eau, ébahi par cette traversée au long cours, sans gilet de sauvetage.

Cinephile-doux
9
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le 16 janv. 2017

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Cinéphile doux

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