Le cinquième principe a ça d'appréciable, c'est qu'il est d'un classicisme affirmé. Tout est fait pour la fluidité de la lecture, l'efficacité du récit. Les artifices pour donner surprise et peps et petites tromperies pour un petit twists sont subtilement dosés et on ira au bout avec plaisir à part quelques longueurs sur la fin.
On est dans une espèce de film bis où tous les poncifs du futur s'accumulent avec suffisamment de légèreté pour qu'ils ne soient que des arguments de plaisir et non des prétentions à la nouveauté. Les voitures volent, les riches sont parqués entre eux dans le luxe d'une réelle démocratie oisive sur le dos de leurs esclaves qui les ignorent, leur grande ville sort de la forêt comme l'énorme phallus du progrès qui est allé trop loin, tandis que la ville des pauvres se retrouve sous terre. Il y a beaucoup de lieux différents Ce n'est pas baroque mais on y touche parfois.
Pour faire plus qu'un livre plaisant, il faudrait avec ça, un élément nouveau, une réelle proposition. Cette proposition c'est la technologie du PEM et le cinquième principe. Le PEM est une sorte de smart-phone mental, dont les propriétés sont développées mais trop peu pour amener un réel jamais-vu. Les relations entre humains, quoique conditionnées à cet objet, ne sont finalement ni plus ni moins compliquées qu'avec un téléphone portable, à part pour la proposition amusante de la Gestalt. Et surtout, on ne sort pas du discours technophobe un peu éculé actuellement. La PEM n'est en fait qu'une spéculation de plus sur les technologies de communications et leurs dérives, nous rappelant une énième fois qu'il est bon d'être simplement humains et tout nus.
A ce sujet d'ailleurs, l'auteur semble vouloir affirmer son goût pour les fêtes charnelles avec une certaine insistance un peu gênante voire libidineuse. Alors que les personnages masculins mènent l'histoire (sauf Lauri, et encore) et sont définis par leurs compétences, Vittorio Catani n'échappe jamais à une petite phrase sur les magnifiques attributs physiques de ses femmes fantasmes dès qu'elles pointent le bout d'un nez dans son histoire. Cela semble bien plus important que leurs compétences, souvent très superficielles pour ne pas dire facultatives. Une partie de jambe en l'air guette systématiquement ces pauvres personnages de silicone. Ainsi les femmes de cette histoire ont toutes un physique de bimbo et une sexualité débridée pour le plus grand plaisir de... de son auteur. D'un autre côté, cela ajoute à la série B le côté nichonnesque de Metal Hurlant ou de Barbarella, dans un monde en grande partie cyberpunk. Peut-être à cause de ça, j'ai cette sensation de mauvais effets spéciaux devenus vintage...et de latex.
La deuxième proposition du livre, c'est donc le cinquième principe, concept amusant quoique très bancal même avec mes piètres connaissances scientifiques; et qui finalement, au lieu de nous intéresser, sert en fait de Deus Ex Machina à utiliser n'importe quand. Ce concept est à mon goût compréhensible trop tôt dans l'histoire.
Voilà donc pour les petites réserves, à laquelle on peut ajouter une hyperbole de capitalisme facile et cliché. On pourrait croire que Le Cinquième Principe ne vaut pas le coup, mais il a ce quelque chose qui sait rendre un livre plus que cool. Du rythme, de la sympathie, des couleurs, un certain plaisir à faire péter des trucs et à détester les enculés de riches qui littéralement s'achètent le monde. Et puis c'est un roman édité chez la Volte, ceux qui aiment prendre des risques et pour ça, il mérite notre soutien.
Pequignon
7
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le 9 déc. 2018

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Pequignon

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