Le Dahlia Noir a quelque chose de fascinant. Quel que soit le moment auquel on l'aborde, ce roman phare dans la mythologie Ellroy conserve ce pouvoir d'attraction incroyable.
Pour ma part, j'ai entamé sa lecture après de nombreux autres du même auteur (Le Grand Nulle part, la trilogie Underworld USA,...). Ce qui l'a rendu encore plus remarquable, tant il pose les bases d'un univers tortueux qui irriguerait une grosse partie de l'œuvre de James Ellroy : duplicité, meurtre, sexe, politique, mensonges et obsessions.
Ce premier volet est également l'un des plus ramassés en termes de structure. Un seul narrateur, une intrigue linéaire, et une enquête mêlant faits réels et ajouts fictionnels. Une affaire particulièrement macabre et médiatique, sur lesquels les services de police de Los Angeles se sont cassés les dents. Au péril de la santé mentale de ses agents et bien sûr de la vérité.
Ce qui place également Le Dahlia Noir à part dans la carrière de l'écrivain tient à cette proximité entre l'affaire du meurtre d'Elizabeth Short et celui de sa propre mère en 1958. À mesure que les pages défilent, et que le caractère de son personnage principal (Dwight « Bucky » Bleichert) se dessine, on croit presque deviner l'écrivain derrière le policier obnubilé.
L'écriture se montre extrêmement précise sur le déroulement de l'enquête (filatures, théories, pistes/fausses pistes, suspects, entretiens), sans jamais assommer le lecteur devant l'abondance d'informations. Bien entendu, cela reste un roman et nous ne pouvons qu'imaginer la réalité de la (lourde) tâche incombant aux inspecteurs. Toutefois, Le Dahlia Noir donne une petite idée de la difficulté de la chose. Encore plus lorsqu'elle contamine les agents dans leur psyché et leur vie privée. Ce que James Ellroy parvient à retranscrire avec génie.
L'auteur déploie une maestria inouïe pour faire monter le suspense, retomber la pression pour la refaire grimper quelques pages plus loin, alors que certains détails négligés réapparaissent pour faire rebondir l'intrigue.
Si vous être pris par le livre dans sa première partie, vous êtes pris au piège. Et c'est un piège dans lequel vous serez ravi de tomber, tant Le Dahlia Noir se révèle palpitant, très fournis dans ces rebondissements en cascade. Et dans la peinture de ses personnages, poussés progressivement hors de leur zone de confort pour les amener au bord du précipice. Là où peut se faire une idée de l'obscurité végétant là-dessous, dans son horreur la plus complète.
Un pur classique que je ne saurai trop vous conseiller de lire, si vous aimez le genre. Il représente l'un de ses sommets, et ce n'est pas pour rien.