Note : cette critique vaut pour toute la saga.


On peut lire ici et là que Anne Robillard serait la nouvelle J.K Rowling. Cela me rappelle beaucoup le nombre de groupes de musique qui furent affublés d'une comparaison aux Beatles, toujours à tort, mais le marketing ne s’embarrasse pas de crédibilité sinon il n'aurait plus qu'à disparaître. Au cas où vous ne l'auriez pas compris, cette comparaison avec l'auteure d'Harry Potter me laisse fort dubitatif.


Car si j'ai un souvenir très clair de chaque tome de la saga du sorcier, je ne peux pas en dire autant pour les Chevaliers d'Emeraude. Il faut dire que Robillard maîtrise l'art de remplir des pages avec rien. L'intrigue met des plombes à avancer, dans le tome 1 on assiste aux années de l'héroïne bébé. Oui oui. L'intérêt ? Aucun. Du coup il faut meubler, car un bébé comme chacun sait ça ne risque pas d'aller sur le champ de bataille pour poutrer de l'Empereur Noir (l'ennemi, dès fois que le nom subtil ne vous aurait pas conduit vous-même à cette déduction). Il y a donc 10 (ou 11 ou 12 je sais plus m'enfin y en a beaucoup plus que le nécessaire) "Chevaliers" en soutien, chacun ayant droit à une aventure inintéressante histoire de rentabiliser l'investissement en encre, mais aussi au développement de son "histoire d'amour", sa vie de famille, de fermier (très important d'aller planter des tomates entre deux batailles, ça entretient)... Et quand je dis "histoire d'amour", je veux parler de quelque chose dont je doute que ce soit still a better love story than Twilight. Les rencontres se font en un claquement de doigt, faut pas déconner, le gars (ou la femme, à bas les stéréotypes [ironie]) voit littéralement une lumière autour de l'élu(e) de son cœur, il/elle lui chante une chanson et paf ça fait un couple. Quand aux scènes de romance elles vomissent de l'eau de rose par pack de six, à grand coup de brossage de cheveux et autres sourires espiègles.


Cette formule est répétée à l'envi tout au long des 12 tomes, car oui, une fois que Kira (l'héroïne) a grandi, c'est pas fini, il faut encore attendre que le Porteur de Lumière (là aussi l’effroyable effort de subtilité vous aura peut-être égaré mais je peux vous assurer que c’est un gentil) naisse et grandisse aussi, parce que c'est lui qui doit tuer le méchant. C'est comme ça, c'est les règles, on déconne pas avec les règles. Du coup ce petit galopin va patienter trois ou quatre tomes (désolé mais les livres se ressemblent tellement, difficile de situer un événement avec précision) avant de sortir du ventre de sa mère, donc il faut meubler. Mais 10 (ou 11 ou 12 vous avez compris) personnages ça limite un peu, au bout d'un moment le lecteur risque de s'apercevoir qu'il ne se passe pas grand chose, donc on rajoute des personnages, alors que ceux qui étaient déjà là sont aussi creux que le scénario. On se retrouve donc avec un Ordre de Chevaliers bien rempli, des sortes de Jedi du pauvre : les chevaliers sont droits dans leur bottes, gentils et attentionnés, mais ils sont aussi très fort à l'épée et si on les énerve ils font des étincelles avec les doigts. Sauf que si dans Star Wars on s'intéresse à ceux qui le méritent, ici on prend le temps (et donc l'espace) de vous expliquer que Coley (alias chevalier n°412 mais dans cette saga tout le monde a un nom) aime manger de la compote au dîner car sinon il se sent ballonné avant de dormir.


Mais alors, on est en droit de se demander s'il se passe un peu d'action dans cette série. Eh bien oui, parfois les gentils se battent contre les méchants. Les méchants, c'est comme les gentils, sauf qu'ils sont méchants, comprendre par là qu'il y en a beaucoup trop et que la plupart ne servent à rien. Effectivement, comme l'Empereur Noir ne peut être tué que par une seule personne, il peut pas aller se battre lui-même, sinon ça se verrait assez vite qu'il ne risque rien. Du coup il faut



  • a) Meubler

  • b) Finir au plus vite cette saga déjà trop longue


Si vous avez répondu b) j'ai le regret de vous annoncer que vous ne serez jamais un écrivain reconnu comme Anne Robillard. Il faut donc meubler, et pour ça on créé plein de méchants qui peuvent être tués par n'importe qui mais (astuce) ils réussissent toujours à s'en sortir, comme ça on peut les réutiliser ensuite. Mais ça ne nous empêche pas de créer d'autres méchants en même temps attention. Du coup on se retrouve pêle-mêle avec un sorcier oiseau, un sorcier requin, des lézards, des insectes, des dragons, des dieux déchus... Tout le bestiaire y passe sans la moindre logique, ce qui compte c'est que ça recouvre une feuille. Bon, mais les batailles en elles-mêmes alors, ça donne quoi ?


Le schéma est identique : une fois face aux méchants, les gentils essaient de les abattre par les moyens dont ils disposent. Mais, flûte, crotte et tralala, ils n'y arrivent pas car les méchants sont bien forts ! Aïe aïe aïe... Heureusement, les longues péripéties précédentes n'auront pas été vaines car elles justifieront vaguement l'arrivée d'un deus ex machina qui va renvoyer les méchants à la case départ. Ce deus ex machina se joint alors à nos héros pour le tome suivant, ce qui augmente théoriquement leur puissance et donc leurs chances de vaincre les méchants la prochaine fois, mais la force des méchants augmente en parallèle, permettant à l'histoire de se répéter et à l'auteur de vendre des livres. Cette méthode ne serait cependant pas autant critiquable si elle apportait sa dose de sensations. Mais Robillard a une conception personnelle des batailles, qui ne doivent surtout pas dépasser le nombre astronomique d'une vingtaine de protagonistes (chez les gentils, chez les méchants ils sont pleeeeeeeeeeeeeeeeins mais ils sont couillons et faiblards du coup on s'en fout un peu), ce qui est un peu gênant quand on parle de sauver le monde, et pas juste le village de Trou-Perdu.


Bon, mais est-ce qu'on doit s'inquiéter pour nos héros ? Est-ce que, si par un miracle d'empathie il parvient à s'attacher à un des personnages, le lecteur aura de quoi frissonner ? Eh bien non. En effet, il y a deux sortes de personnages dans cet univers : les personnages que l'auteur aime et les autres. Pourquoi l'auteur aime tel personnage plutôt qu'un autre ? Mystère et boule de gomme, mais en attendant vous n'avez pas à vous soucier de ceux-ci, même s'ils venaient à mourir, il y aura toujours un dieu quelque part pour les ressusciter. Quant aux autres, ils sont là pour démontrer que le monde il est cruel parfois et que même les gentils ils meurent, et pour peu que l'un d'eux soit lié à l'un des personnages que l'auteur aime, ça sera l'occasion d'un grand moment d'émotion et de chagrin, au cours duquel vous aurez l'occasion de compter le nombre de fois que l'expression "vague d'apaisement" apparaît.


Bon bon bon... C'est une mauvaise série. Elle me faisait passer le temps étant gamin, j'ai voulu m'y remettre dernièrement, je n'ai pas eu le courage de dépasser le troisième tome. Disons que si on vous offre la saga, l'effet découverte peut vous aider à arriver au bout, d'autant plus qu'il faut reconnaître que ça ne se lit pas difficilement (ça veut pas dire que c'est agréable). Sinon, passez votre chemin.
Et si vous voulez rigoler et vous assurer que mon titre est bien justifié, rendez-vous sur la page wikipédia d'Anne Robillard et constatez par vous-même que tant que ça s'achète, ça se vend.

Quintino
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le 4 juin 2018

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