Il convient de rendre hommage au beau travail de John Matthews sur le Graal, publié en Angleterre en 1981 dans la mythique collection « Art and Imagination » dirigée par Jill Purce. On rappelle que cette collection, de fascicules assez grand format et de faible épaisseur, avait une vocation essentiellement iconographique. Elle présentait chaque sujet traité sous forme d’une introduction dense et ramassée de vingt-cinq pages environ. Suivait la partie la plus séduisante de l’ouvrage : des photos assez grand format sur papier glacé, alternant doubles pages en couleurs et doubles pages en noir et blanc, avec des commentaires très réduits. Un cahier d’illustrations en noir et blanc, sur papier courant, avec des commentaires plus développés, classés par thèmes occupant chacun une double page. Enfin, une bibliographie.
Cette collection était d’autant plus fascinante qu’elle traitait de symbolique traditionnelle, de mythes, de magie, d’occultisme, de spiritualité... en choisissant ses exemples dans les civilisations du monde entier.
John Matthews a su maîtriser son sujet en parlant du Graal. Il s’agissait de ne pas déraper dans les labyrinthes symboliques, en développant excessivement un sous-thème par rapport à son poids relatif dans le sujet traité. Par exemple, comme les récits sur le Graal présentent de nombreuses versions différentes – et visiblement incompatibles – de nombreuses traditions (la nature du Graal, la localisation du Château du Graal, les péripéties des différentes Quêtes du Graal , etc...), Matthews sait les présenter comme des variantes autour d’une idée-maîtresse. De même, au fil des pages, il recourt à de nombreuses sources émanant de civilisations diverses, soit qu’elles parlent du Graal explicitement (textes et œuvres d’art européens), soit qu’elles présentent des analogies avec le symbolisme du Graal (et, dans ce cas, on peut visiter l’Islam, l’Inde, la Chine, le Tibet...).
Le Graal étant un symbole polymorphe (à la fois coupe, matrice, lien entre le Ciel et la Terre, table de sacrifice, symbole de Salut, symbole d’individuation, du Paradis, de la Pierre Philosophale, d’Immortalité, de perfection, etc.), Matthews suggère avec érudition et virtuosité les connexions symboliques que le Graal entretient avec des représentations qui, en apparence, n’en parlent pas (images rupestres préhistoriques, divinités bouddhiques, chaudrons celtiques, litanies mariales, etc.).
Le plaisir des yeux le dispute ici à la jubilation d’une promenade dans le jardin des symboles du monde, jardin comparable à celui où la Rose-Licorne-Graal est enclose, et invite le lecteur à partir en quête de sa propre énigme ultime. En cela, ce livre est déjà une incitation à prolonger la Quête mystérieuse baignée d’énigmes et de brumes, entreprises par Galaad, Perceval et Bohort dans les forêts oniriques des romans de la Table Ronde.
khorsabad
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le 10 févr. 2017

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