Pour vous avoir parlé du bonheur qui fut le mien lors des lectures d' « Un homme heureux » et de « Petits suicides entre amis » d'Arto Passilinna, je m'étais juré de lire son roman-phare intitulé « Le lièvre de Vatanen ». Mais, le temps aidant, ce projet de lecture se vit repoussé doucement vers une décade future, mais néanmoins incertaine. Jusqu'au jour où, un réalisateur décida d'en faire l'adaptation cinématographique donnant le rôle de Vatanen à un acteur animalier et réactivant dans la foulée mon appétit pour Arto Paasilinna. Voilà, la chose est faite, et je vais tâcher de vous faire partager mes impressions et surtout mon amour de cet auteur et de son écriture à nulle autre pareille.

Ainsi, c'est en 1975 que ce roman paru pour la première fois et, trente ans après, il n'a rien perdu de son souffle. Rien de démodé dans cet ouvrage, le tout étant de garder son esprit d'enfant, cette particularité qui nous permet de nous émerveiller de choses simples que la vie moderne tente, par tous ses artifices, de nous faire oublier. « Le lièvre de Vatanen » est un des romans nordiques qui a la renommée des chefs-d'œuvre tout comme un « Regain » de Giono ou un « Topaze » de Pagnol. C'est un livre simple, une histoire naturelle qui nous montre la vanité de nos vies pour peu qu'on attache trop d'importance à ce qu'on nous inculque comme étant civilisation.

Ce n'est pas un retour à la terre, ni un retour à la nature - enfin pas totalement -, mais un retour à une vie simple. L'homme ne peut s'émanciper de la nature en pensant qu'il n'en est pas une partie. L'homme n'est ni un dieu, ni le roi des animaux. Il est juste le plus nuisible d'entre eux et celui qui, pour l'instant, a entre ses mains la destinée écologique de la planète. Mais c'est aussi un animal social qui s'est doté de tellement d'artifices pour ne plus communiquer avec ses semblables et qui n'a même plus conscience d'appartenir au cycle de la vie de cette planète.

C'est non sans humour qu'Arto Paasilinna nous convie à cette fuite de la civilisation. L'aventure commence avec deux reporters qui rentrent chez eux, à Helsinki. Il y a celui qu'on nommera le photographe et le journaliste Kaarlo Vatanen. Ces deux là traversent les paysages de Finlande au volant d'une automobile jusqu'à ce que la monotonie du voyage soit interrompue par un accident : lorsque le véhicule heurte un lièvre. Vatanen part à la recherche de l'animal et semble ignorer les vociférations de son ami qui lui demande de laisser la bestiole pour repartir. De guerre lasse, le photographe reprend la voiture laissant Vatanen avec son lièvre, pensant qu'il rentrera bien par ses propres moyens. Mais voilà, Vatanen met bien du temps à revenir en ville et cela commence à inquiéter moyennement ceux qui le connaissent mais qui, trop englués dans leur vie civilisée, ne prennent que peu de temps pour se préoccuper de leur ami, leur collègue, leur mari même.

Enfin si, ils s'en préoccupent. Son patron qui veut récupérer son éditorialiste et sa femme qui veut lui prendre un max de thunes avant de le lourder. Mais Vatanen est futé et les laisse en plan après avoir vendu tous ses biens. Commence alors pour notre héros une errance à travers la Finlande. Paasilinna aime son pays et ses héros la traversent bien souvent de long en large tout en prenant le temps de vivre. Et Vatanen ne manque pas à l'appel avec son lièvre. Ils vont avoir bien des mésaventures et vont rencontrer une fabuleuse galerie de personnages hauts en couleurs.

Il y a le commissaire Hannikainen qui profite de sa retraite en allant pêcher dans les lacs et qui enquête toujours car une chose l'obsède : accumuler des preuves comme quoi le Président de la République de Finlande aurait été remplacé par un sosie depuis 1968. On croise aussi Salosensaari, le bouilleur de cru qui a vu son alambic partir en fumée et qui fuit un gigantesque incendie de forêt avec sa gnôle qu'il préfère boire plutôt que de l'abandonner. Vatanen le secouriste volontaire saura l'aider dans cette tâche. Sans parler du pasteur Laamanen qui est un fou de la gâchette et qui traque le lièvre qui a osé pénétrer dans son église. Tant de personnages attachants et profondément humains.

Et ils sont encore nombreux, ces gens ordinaires qui savent rendre la vie extraordinaire. Vatanen a tout largué, pour vivre enfin une vie d'homme et ne plus se battre pour une société du faux-semblant. Le journaliste Vatanen réapprend la sobriété volontaire et l'écriture de Paasilinna fait de ce récit une magie assez difficile à décrire tant la simplicité inonde chaque page sans pour autant en faire un roman quelconque. Ce même récit peut nous semble, à nous francophone, parfois un peu haché, mais il s'agit du premier roman d'Arto Paasilinna et certaines maladresses sont bien compréhensible. De même, notre méconnaissance de la littérature nordique ne peut que nous interdire d'être trop sévère, la traduction jouant souvent pour beaucoup. Un chef d'œuvre, certes léger, mais honnête, humoristique et plein d'humanité.
Bobkill
8
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le 23 déc. 2010

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Bobkill

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