Imaginez :
Je me dirige d'un pas décidé vers le bibliothécaire et lui demande poliment ;
— M'sieur, j'aimerais emprunter le livre sans nom.
— Quoi ? me demande-t-il automatiquement.
— le Livre sans Nom.
Haussement de sourcil du bonhomme qui n'ose pas redemander de peur de passer pour un idiot, se demandant tout de même si je ne suis en tain de me foutre de sa gueule. du coup il redresse les épaules prend une attitude hautaine et s'apprête à taper sur son clavier. Il se fige. Que taper effectivement ? Puis d'un regard scrutateur il me regarde de haut depuis le bas de sa position, assis sur son fauteuil de bureau mouisard et grinçant, aux roulettes en partie bloquées par un bout de papier toilette coincé dans le mécanisme.
— Nom de l'auteur ?
— Anonyme.
Nouveau haussement de sourcil de sa part, il commence à voir rouge.
— Vous vous foutez de moi c'est ça ?
Puis il scrute les alentours, s'attendant à voir une bande de jeune fumistes dissimulés derrière un rayonnage en train de pouffer de rire comme les jeunes petits cons qu'ils sont. Ne voyant évidemment rien il reporte son attention sur moi.
— Je suis désolée, M'sieur, tout ce que j'ai, c'est auteur Anonyme. À moins que l'auteur ne soi effectivement anonyme, dis-je en me grattant le menton et en regardant bêtement le plafond.
De la fumée commence à sortir des narines dilatées de mon interlocuteur et je recule d'un pas, juste au cas où. Puis décidant qu'il valait mieux éviter de s'attirer les foudres de ce vieux chouf, je me dérobe à pas lents vers la sortie et lui dit de ma voix la plus charmante ;
— Je reviendrais plus tard, voir si vous l'avez trouvé.
— C'est ça ! marmonne furibard le bibliothécaire, proche de la crise d'apoplexie.
Mouais, bon…
Un copain de longue date me bigophone et me dit qu'il faut absolument que je lise le Livre sans Nom. « L'est trop bien, l'est trop bien, l'est trop bien !!! ». Moi je me dis (dans ma tête) Ben toi, mon coco, je connais tes goûts pour le glauque et le sanguinolent, alors ton livre tu peux te le carrer… Oui bon, vous devinez la suite de mes pensées. Mais le bougre il y va tellement fort avec ses : « L'est trop bien, l'est trop bien, l'est trop bien !!! » qu'il arrive malgré tout à piquer ma curiosité.
Et donc, me voilà en train de lire des critiques du livre du genre ; « Pas pour les mauviettes ! » ou encore, « Violence, sexe et bastons à tout-va », « de la pure testostérone, déconseillé aux âmes sensibles… », ou encore « du Trantino tout craché », « Dans la lignée de Seven », etc, etc. Là je me dis, Hou là là ! vais pas en lire beaucoup de son foutu livre.
Tout ce que j'ai à dire sur ces critiques, est qu'elles sont soit carrément fausses soit extrêmement exagérées. le lectorat du livre n'a probablement jamais lu un livre de fantasy de toute sa courte vie, car en Bit-lit ou en Fantasy classique on trouve souvent plus de sang et de trucs dégueux que dans ce gentil petit bouquin… Et je trouve qu'il est dommage de faire une telle publicité en laissant croire à une sanguinolente ambiance macabre pleine de bastons à toutes les sauces, car il est probable que beaucoup de gens passent à côté de peur de voir de l'hémoglobine sur chacune des lignes. Perso, si l'on ne m'avait pas incité à le lire, en voyant la réputation de ce bouquin, jamais je n'aurai tenté ne serait-ce de l'ouvrir. Ce qui aurait été d'ailleurs fort dommage, car je l'ai en réalité beaucoup apprécié.
C'est un thriller rocambolesque – avec effectivement un peu de sang lors des quelques scènes peu ragoutantes, mais rien d'indigeste – basé sur une trame tout ce qu'il y a de plus classique où se succède quantité de clichés revisités, joués par des protagonistes caricaturés à l'extrême.
Vous allez me dire, vue comme ça, ça n'a pas l'air trop emballant. Et effectivement au début du livre, je me suis dit, mouais, là ; déjà vu. Déjà vue ici aussi. Ah et encore déjà vue…
Oui, sauf que l'on rentre très vite dans l'histoire grâce à une ambiance « second degré » des plus réjouissantes. L'humour ne vole pas haut, certes (bien bas même parfois), mais fait tout de même rire, et souvent. Quant aux protagonistes – la plupart antipathiques et tous pourvus d'une gueule à la Danny Trejo (désolée Danny ) – donnent le ton et vous projettent rapidement dans une atmosphère « vieux film » des années 90 ; avec deux flics type ; un Noir, un Blanc et un barman qui ne dénote assurément pas. le tout sur une intrigue qui ne fait que nous tenir en halène jusqu'à la fin.
Alors, oui ce foutu bouquin m'a beaucoup plu ! Moi qui étais persuadée ne pas terminer le tome 1, je dois avouer qu'il est fort probable que je lise le tome 2.