Autant je suis entrée très facilement dans le livre, autant j'ai eu du mal à le finir...
Le lecteur est confronté à un monde terrible, où le plaisir et le divertissement remplace toute forme de réflexion, de critique, ou de véritable bonheur et où les hommes sont "conditionnés" avant même d'être nés (ou sortis d'un flacon).
Plusieurs choses m'ont gênée: l'écriture, qui ne transporte pas; mais aussi le sentiment que tout n'a pas été exploité à fond. On s'attend pendant tout le roman à une révolte, ou au moins à une critique contre la "Stabilité", grand principe érigé dans ce nouveau monde. Il y a bien de nombreux éléments soutenant la liberté, l'amour, le malheur, les passions, mais un quelque chose manquait.
Ensuite ce personnage du "Sauvage": je ne sais pas vraiment quoi en penser; bien sûr au début on s'identifie complètement à lui: quelqu'un qui n'a pas été conditionné, qui rêve d'amour, de liberté... Mais si d'un côté il montre bien en reflet tout ce qui ne va pas dans ce "meilleur des mondes", j'y ai aussi vu un modèle qui n'est pas viable lui non plus. Sa façon de répéter à tout va du Shakespeare (j'aime beaucoup Shakespeare) pour appuyer ses pensées n'est pas un signe que lui aussi fonde totalement sa pensée sur un modèle déjà prééxistant? Il nous parle d'entités totales, qui nous dépassent, comme l'Amour, le Beau et... Dieu. On peut être croyant ou pas, mais le décalage total que j'ai ressenti en lisant son discours selon lequel il est "naturel" de ressentir la présence de Dieu a pointé ce qui me dérangeait: il instaure lui aussi dans un postulat inébranlable, la "Nature", ce qui à lui, semble évident. Or qu'est ce qui prouve qu'il a raison? Nous sommes enclins à le suivre, nous croyons à ce modèle d'amour, de bonheur, mais qui nous dit qu'il est le meilleur de tous les modèles? J'ai eu l'impression qu'on me montrait John comme le détenteur de la Vérité et qu'il était en quelques sortes la seule "sortie" de ce livre.
La "Stabilité" est le mot d'ordre du monde imposé par le grand Ford, mais justement: le Sauvage ne réplique-il pas ce modèle à sa propre façon? A répéter en permanence des anciennes citations, des idées figées, parlant au final peu par lui-même? C'est ainsi qu'il est complètement incapable, lui aussi, de communiquer avec les autres. Il parvient à échanger avec Bernand et Helmholtz, mais que sur des valeurs sur lesquelles ils étaient déjà d'accord. Pourquoi ne parviennent-ils pas à échanger sur l'Amour, qui est si important pour John? Pourquoi se referme-t-il aussi brutalement contre Lenina? Pourquoi ne sont-ils pas FOUTUS de parler et d'exprimer leur point de vue, d'ESSAYER au moins de comprendre la position de l'autre et d'AVANCER vers un horizon d'entente???
Les deux parties sont tout autant fermées, bloquées, à la différence (alors que John lui-même n'arrête pas de critiquer cette exclusion) et c'est la principale idée que j'en ai tirée, et pourtant mise de côté dans le roman, et c'est peut-être ce point aveugle qui m'a le plus dérangée. J'ai l'impression qu'on me présente deux alternatives, l'un tout noir et l'autre tout blanc; alors que j'y vois un gris foncé et un gris moyen...


Ce point de vue est très différent de ce que j'ai pu en voir des autres commentaires (mais je n'ai pas tout lu), je suis ouverte à toute discussion, mais ne me jetez pas un juste "mais nan t'as rien compris pffff" svp!

cresenne
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le 29 déc. 2013

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