Triste lecture que ce "Mr Kidder", d'une auteure qui m'a pourtant convaincu de nombreuses autres fois grace à de nombreuses autres oeuvres; ce qui expliquera sans doute ma clémence envers Joyce Carol Oates qui, à mon sens, n'a fait qu'une glissade avec cette petite histoire. La mince épaisseur de cette histoire n'est cette fois-ci pas révélatrice, à l'instar de "Délicieuses Pourritures", d'un travail peaufiné à l'extrême, d'un petit joyau dans son écrin de papier. Non, ici, "court" est synonyme de "eu convaincant", ou encore, si je me laisse emporter, de "grandement loupé".
La faute tout d'abord aux deux personnages que l'on accompagne dans ce récit. Cela commence avec Katya, jeune fille à la jeunesse plutôt difficile, condamnée à la dévalorisation d'elle-même par un entourage désabusé, ne connaissant et ne laissant paraitre que l'amertume de l'échec et l'injustice d'une vie de banlieusarde alcoolique accro aux real bad guys (je parle évidemment de la mère). Si l'on est facilement touché par le passé de Katya, loin de la caricature absurde de personnages retrouvés dans le minable "Une Place à Prendre" de J. K. Rowling, on ne peut pas vraiment dire que le tout est fin. On ne parviendra d'ailleurs pas à tomber dans l'écueil "Roy", cet espèce de gars ayant mal tourné, accro à la drogue et au cul avec Katya. Bref. Si l'on prend en compte ce passé du personnage, le déroulement naturel de l'intrigue ne sera pas véritablement surprenante, une fois ce Mr Kidder rencontré. Katya est donc amenée à se battre contre divers fantômes, plus ou moins agressifs: éviter de reproduire ce que sa "trainée de mère" a fait par le passé, rester méfiante face à ces salopards de riches qui se jouent d'elle... Voilà quoi, c'est cohérent mais c'est déjà vu. Rajoutez à cela, une débilité passagère sur la fin du bouquin qui, cette fois-ci, achève la crédibilité du personnage, et on part déjà mal.
Mr Kidder, quant à lui, est un peu mieux réussi mais n'accède en aucun cas au statut de personnage "si réel qu'on pourrait le toucher". S'il intrigue au fur et à mesure de l'histoire, il inspire un malaise certainement voulu par l'auteure mais loin d'être savamment dosé. Les revirements d'oprions de Katya sont parallèles à ceux du lecteur, le voyant parfois comme un vieux pervers dégueulasse et parfois comme un être innocent et touchant. Le problème étant, dans ce livre, le côté "pervers dégueulasse" qui, je le répète, a complètement sa place ici mais se révèle en disproportion face au côté touchant, qui botte en touche et nous rend le personnage assez désagréable, finalement. De plus, ses tentatives pour se rapprocher de Katya sont grossières, abruptes, mal dégrossies. Pas cool.
L'intrigue, quant à elle, patauge la majeure partie du temps, n'avançant que vers la fin pour glisser vers un trip étrange et tombant un peu comme un cheveu sur la soupe, il faut bien l'admettre. Le style de Oates n'est pas vraiment brillant puisque lesté d'une intrigue lourde, inintéressante et pas vraiment ouverte à la poésie. On peut globalement dire qu'elle s'en sort pas mal vu ce qu'elle a à nous livrer.
Et sur cette appellation "Lolita post-moderne", soyons clair. La ressemblance floue entre "Le Mystérieux Mr Kidder" et "Lolita" de Nabokov tient seulement à la large différence d'âge séparant les protagonistes, car sur la relation en elle-même, certaines choses frappent... La vieillesse de Kidder et son aspect vieillot répugne assez, ce qui n'est pas forcément le cas de la jeunesse de Katya, vite reléguée, malgré sa bêtise apparente, derrière des descriptions vieillissantes, en passant par un corps de femme ou encore des expériences d'adultes. Il n'y a ici ni le talent, ni le caractère sulfureux de "Lolita".
La fin n'est pas si mal, même si très honnêtement, ça sort un peu du chapeau. Ce n'est pas le plus grand défaut du livre, vous l'aurez compris.


Je vous déconseille donc la lecture de "Le Mystérieux Mr Kidder", qui ne saurait souligner le talent habituel de Joyce Carol Oates. Ici, c'est lent, laborieux, bancal, absurde par moment, parfois trop obscure, et souvent à côté de ce que l'on aurait pu attendre d'un roman se déclarant "Lolita post-moderne". En d'autres termes, je vous conseille de passer votre chemin...
(et d'aller lire, par exemple, "Lolita" de Nabokov, ce sera certainement plus enrichissant)

Wazlib
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le 11 août 2015

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