Un hôpital situé dans une contrée reculée d'URSS rassemble des destinées que tout oppose. Glauque, bondé, le pavillon des cancéreux est le théâtre de rencontres, de drames, mais aussi de belles histoires, de joies, d'espoir.

La réalité crue que décrit le livre d'Alexandre Soljenitsyne est proprement ahurissante : lorsqu'il n'y a plus de place dans les chambres bondées et crasseuses, les patients sont installés dans les couloirs ; ils sont exposés à des doses élevées de rayons sans protection pour assurer en substance "un effet maximal et un meilleur rendement", et sont finalement renvoyés mourir chez eux lorsqu'il n' y a plus d'espoir de guérison !
Ceci sans compter que les vies antérieures des pensionnaires du pavillon des cancéreux ne sont bien souvent guère plus séduisantes...

Car dans un contexte tel que celui du Pavillon des Cancéreux, pas question d'échapper à l'Histoire ! Le régime stalinien en passe d'être remplacé a profondément bouleversé la vie de tous ces hommes et femmes - parfois en bien, souvent pour le pire. Ainsi, dans le même dortoir sont réunis un ancien prisonnier des camps - dont l'histoire est largement empruntée à celle de l'auteur -, un chantre du régime, un membre de l'administration qui a fait passer sa vie avant sa conscience... Des échanges s'engagent, parfois enflammés, toujours riches pour le lecteur.

Ce roman de Soljenitsyne n'est ni un traité philosophique, ni une furieuse dénonciation politique comme le sera plus tard l'Archipel du Goulag. Il s'intéresse avant tout aux hommes, à leurs attitudes différentes par rapport à une maladie qu'ils savent souvent incurable : doute, résignation, refus... mais aussi et plus généralement à ce qui fait vivre l' homme en général : ses aspirations, ses amours, ses raisons de vivre et d'espérer. Autant de réflexions lourdes, abordées suffisamment en profondeur pour être bouleversantes, et avec suffisamment de légèreté pour ne pas transformer le livre en un traité de dialectique, et laisser le lecteur poursuivre la méditation.

Et c'est finalement jusqu'à la dernière scène du roman - monumentale ! - que le lecteur oscillera entre optimisme et pessimisme, à l'instar de cet ancien prisonnier qui sort du pavillon, et ne parvient pas à décider s'il se trouve à l'aube d'une nouvelle vie, ou au crépuscule d'une vie gâchée.
DimSum
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le 31 mars 2013

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