Un livre intéressant qui prend pour thèmes la beauté, l'art, la vanité, et pour personnages des êtres immoraux, arrogants et éternellement insatisfaits.
La première moitié du roman, avant que Dorian ne réalise le pouvoir du tableau, est captivante. Elle est composée en grande partie de dialogues remarquablement écrits et intelligents, entre Lord Henry, Dorian et le peintre Basil, et qui font avancer l'intrigue avec efficacité. Lord Henry est un vieux cynique avec une mauvaise influence sur le jeune Dorian, mais il sait piquer la curiosité ou l'admiration du lecteur avec quelques aphorismes bien placés.
Oscar Wilde en profite pour faire quelques remarques sur la littérature qui peuvent sonner prétentieuses, mais on lui pardonne – jusqu'ici du moins.
Car dès que, dans la seconde moitié du roman, la véritable intrigue gothique débute – le fameux tableau qui vieillit à la place de Dorian – le rythme ralentit jusqu'à l'arrêt complet : le narrateur tente de nous montrer comment Dorian se prend de passion pour une chose puis pour une autre, changeant de centre d'intérêts à mesure qu'il s'en lasse ; pour se faire il emploie des blocs denses d'informations sur les centres d'intérêts en question, des paragraphes descriptifs et des listes énumératives de plusieurs pages ; ainsi cinq pages d'histoire de la joaillerie et d'énumération des (très) nombreuses caractéristiques physiques des bijoux sont suivies par cinq pages de descriptions de tapisserie, puis cinq pages sur les différents types d'instruments de musique, ainsi de suite, jusqu'à arriver à vingt ou vingt-cinq pages denses et inutiles, copiées depuis des manuels spécialisés parus à l'époque De Wilde, et où personnages et trame narrative n'existent pas.
Après avoir subi cet avant-goût de l'enfer, l'intrigue se remet à avancer, mais sur un rythme moins rapide qu'au début du livre. Il y a aussi moins de dialogues et plus de contemplations de paysages ou d'ambiance – dont je n'ai jamais été friand.
En se rapprochant de la fin, on retrouve l'esprit du début, mais trop tard.
Si l'auteur avait su garder jusqu'au bout ce qui fait sa force, le portrait de Dorian Gray aurait pu être un des plus grand chefs-d’œuvre de son temps.