On a tous des problèmes, des échecs, des désillusions menant souvent au désespoir. Sous mes airs de mec bosseur, enchaînant les initiatives au sein de mon lycée, souriant, disponible et toujours au service d'autrui, j'étais un homme usé, fatigué, et surtout blasé.


J'enchaînais moments de simple joie, matant un bon film ou écoutant une bonne musique, qui sait, pouvait me faire vibrer, mais c'était seulement dans ces moments-là que je me sentais vivant.


Vraiment vivant.


Mes journées étaient rythmées par une monotonie que je m'imposais à moi-même. Lever à telle heure, prendre une douche à telle heure, petit déjeuner à telle heure, départ à telle heure avec calcul du temps pour savoir en combien de temps ma marche matinale m'amènerait à mon lycée (neuf minutes).


J'étais un mec ordonné, bien dans mes baskets, mais très pauvre psychologiquement.


Parce que j'étais amoureux, et que c'était impossible. Voilà tout. Je me chagrinais, me complaisais dans un désespoir, me lamentant qu'un amour aussi grand et aussi pur que je portais pour quelqu'un ne soit pas réciproque. Ça a duré plus d'un an.


Mais je ne cherchais pas pour autant le salut. Je me baignais juste dans des rêves, dans des pensées agréables, des fantasmes qui finalement, ne faisaient qu’accroître ma tristesse une fois revenu à la réalité.


Un jour, j'ai juste demandé à mon prof de philo une lecture qui pourrait étoffer ma réflexion, pas pour me sortir de cette état de pensée qui m'envenimait. Alors il m'a conseillé Le Pouvoir du Moment Présent, disant que ce livre allait changer ma vie.


Alors je l'ai lu, très lentement, comme une bible qu'on aurait pas envie de finir. A chaque fois que j'allais pas bien, je m'y jetais, tentant de trouver une réponse à comment me remonter le moral. Et à chaque lecture, j'en ressortais confus, bien que les conseils et les dires d'Eckart Tolle étaient plein de bon sens, de vérités, je ne sentais jamais de changement en moi. Bien que je faisais mine d'être satisfait de la lecture auprès des gens, pour dire que je vais bien.


Je l'ai lu, et ça a dû me prendre trois mois sans doute. Je ne comptais pas les mois, il m'arrivait de délaisser le livre pendant deux semaines, et de m'y remettre quand j'avais le temps. Il faut dire, j'étais dans une période où le boulot était immense, entre les émissions de radio à réaliser, mon film de fin d'année, le bac, la recherche d'étude supérieures, le temps à la lecture et à la réflexion était rare.


Et mon malheur a fini par me prendre au ventre. Des choses venaient de se passer, et je ne savais plus comment réagir, si je devais agir. Pendant deux semaines, j'avais faim, et je n'avais pas faim en même temps. Mon ventre me réclamait de la nourrir, mais me hurlait dessus dès qu'un aliment entrait dans ma bouche. Je ne savais plus ce que je voulais. Je restais dans ma chambre, à relire mes cours, à lire mon livre, sans savoir quoi faire.


Puis est arrivé la semaine du bac, où tout n'a été qu'échec sur échec. Ne vous inquiétez pas, j'ai géré mon bac (bon sang, et comment), mais c'était une autre forme d'échec qui comptait bien plus à mes yeux. Je me suis isolé. Je me suis enfermé dans ma chambre d'internat, à lire, lire et relire du One Piece parce que j'avais rien d'autre à faire, et que finalement, ça m'allégeait l'esprit.


Des fois je relisais mon bouquin, et une chose dingue est survenue. Le livre fonctionne par un question/réponse. On a une question en italique, et l'auteur y répond. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, les questions qui étaient posées faisaient toujours référence à ma situation.


Souvent pendant la semaine, je m'isolais également sur un banc, écoutant ma musique, observant la rivière devant moi. J'étais dans un coin d'ombre, pas à l'abri du vent, mais à l'abri du regard des gens qui me terrifiait de plus en plus.


J'ai fini le livre, et j'en suis ressorti comme d'habitude, confus. Comme si le livre ne m'avait rien amené de réellement concret si ce n'est des pensées agréables qui avaient eu le mérite de susciter ma curiosité.


Le lendemain, c'était le vendredi, la dernière épreuve de la semaine, et comme à mon habitude, je me suis posé sur mon banc. Je parlais à un ami par message, je lui expliquait ma situation, et lui aussi, avait une situation similaire à m'exposer. Comme si... finalement, ce malheur que je vivais, tout le monde y passait, et qu'au final, je n'étais qu'une petite personne égoïste, enfoncée dans son malheur.


A ce moment-là, j'ai eu une illumination. C'est arrivé ainsi, sans prévenir, mon corps s'est tout à coup allégé, mes pensées furent soudainement plus claires, et surtout, je me sentais heureux, malgré cette situation détestable dans laquelle je me trouvais.


« Aimer sans imposer ». C'était juste ça, la réponse à toutes les questions que je me posais depuis plus d'un an. Il n'était plus question de me sortir de ce pétrin qui, de toute façon, prendrait fin une fois le bac fini, plus question de remuer vent et marée pour quelque chose qui m'était tristement inatteignable. Croyez-moi, je demeure triste de ne pas avoir ce dont j'ai tant rêvé pendant tant de temps. Mais j'en ai sorti une leçon de vie qui m'a libéré de tout poids.


Je vais vivre avec ça, parce qu'au final, ça n'a pas tant d'important que ça. Ça aurait été merveilleux d'atteindre mon objectif, c'est vrai, mais cet échec n'a pas à me rendre dépressif, n'a pas à faire de moi une larve immonde. Et puis même, si c'est cette impression que j'aurai donné aux gens, celle d'un homme malheureux, c'est qu'au final, ça aurait été ma faute.


Je vais vivre, et je vais rayonner. Je vais être heureux de ce que j'ai, et je ne serai pas triste de ce que je n'ai pas. Et surtout :


Je vais aimer, sans imposer (mais ça, il n'y a que moi qui comprendra cette phrase).

James-Betaman
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le 23 juin 2018

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