Politiquement correct, je t'emmerde

Nouvelle dystopie pour le roi de la science-fiction: une civilisation de bien-pensance absolue, de pudibonderie acharnée, où le moindre pet, la moindre grossièreté, le plus petit atome de subversion est immédiatement examiné par une sorte de jury populaire composé de vos propres voisins ! Ça ne vous rappelle pas vaguement quelque chose ?


Après l'amusant Oeil dans le Ciel, Dick ne perd pas son humour en imaginant une société dans laquelle l'humour, justement, est mal vu, comme tous les éléments susceptibles de choquer les âmes puritaines d'un monde post-apocalyptique. Nouvelle critique du maccarthysme et de ses inoubliables chasses aux sorcières, Le Profanateur est un excellent reflet de son époque... mais reste diablement d'actualité !


Impossible de ne pas penser, en cours de lecture, à notre propre société des années 2010 et à sa poursuite acharnée de toute blague, remarque, dessin ou comportement pouvant être taxé -en déformant bien la réalité pour la faire correspondre à la paranoïa générale - de racisme, de misogynie, d'homophobie, de grossophobie, de déàcoudrophobie... Le côté rassurant de tout ça, c'est de se rendre compte qu'il s'agit de cycles qui finissent par se résorber tôt ou tard, quitte à revenir emmerder nos arrières-petits-enfants.


La meilleure arme contre cette dictature ? Hé bien l'humour, justement. Car, comme le laisse suggérer le titre original du roman, le personnage principal, Allen Purcell, entend bien combattre l'ordre établi en le ridiculisant... quitte à devoir en payer le prix.


Le sujet est bien maitrisé. L'intrigue, cohérente de bout en bout, nous évite cette fois le relatif chaos auquel nous avait habitué l'auteur. Il s'agit de son roman le mieux structuré, en tout cas à ce stade de sa carrière. La contrepartie, c'est cette perte du vertige existentiel caractéristique de Dick. L'émancipation de Purcell est une quête davantage politique que métaphysique malgré un court passage - tout de même !- où la réalité vient se distordre.


Si le roman n'est pas inoubliable, il offre néanmoins un très bon mariage entre divertissement et réflexion et un regard peut-être encore plus acide sur l'hypocrisie de notre propre dystopie...

Amrit
7

Créée

le 1 févr. 2018

Critique lue 361 fois

2 j'aime

Amrit

Écrit par

Critique lue 361 fois

2

D'autres avis sur Le Profanateur

Le Profanateur
Baptman77
8

Rémor de rire

Alan Purcell n’est pas un citoyen comme les autres. Il est à la tête d’une petite entreprise chargée de fournir des scripts à la toute puissante chaîne Télémédia. Scripts nécessairement...

le 13 nov. 2017

3 j'aime

1

Le Profanateur
Amrit
7

Politiquement correct, je t'emmerde

Nouvelle dystopie pour le roi de la science-fiction: une civilisation de bien-pensance absolue, de pudibonderie acharnée, où le moindre pet, la moindre grossièreté, le plus petit atome de subversion...

le 1 févr. 2018

2 j'aime

Le Profanateur
Le-debardeur-ivre
8

Pour la beauté du geste.

Le Profanateur , ou The Man Who Japed dans sa version originale , est un roman de science-fiction/anticipation de Philip K. Dick , paru en 1956. Etant donné que cela fait bientôt trois ans que je...

le 22 févr. 2018

1 j'aime

Du même critique

Lost : Les Disparus
Amrit
10

Elégie aux disparus

Lost est doublement une histoire de foi. Tout d'abord, il s'agit du sens même de la série: une pelletée de personnages aux caractères et aux buts très différents se retrouvent à affronter des...

le 8 août 2012

230 j'aime

77

Batman: The Dark Knight Returns
Amrit
9

Et tous comprirent qu'il était éternel...

1986. Encombré dans ses multivers incompréhensibles de l'Age de Bronze des comics, l'éditeur DC décide de relancer la chronologie de ses super-héros via un gigantesque reboot qui annonce l'ère...

le 3 juil. 2012

98 j'aime

20

The End of Evangelion
Amrit
8

Vanité des vanités...

Après la fin de la série, si intimiste et délicate, il nous fallait ça: un hurlement de pure folie. La symphonie s'est faite requiem, il est temps de dire adieu et de voir la pyramide d'Evangelion,...

le 21 juil. 2011

91 j'aime

5