Le Prophète
7.5
Le Prophète

livre de Khalil Gibran (1923)

Dans la préface d’Amin Maalouf, l’inclassable texte de Khalil Gibran est qualifié de « livre de sagesse ». En vérité, c’est bien de cela qu’il s’agit : moins de cent pages aux airs de préceptes religieux rédigés avec



toute l’attention poétique nécessaire à l’envolée des âmes.



Un livre de respect, de soi-même d’abord puis d’autrui et de toute la nature qui nous entoure pour finir, comme pour nous rappeler l’indissociable unité dont nous ne sommes qu’une infime partie.


Le texte est un long dialogue entre les habitants de la cité d’Orphalese et celui qu’ils considèrent comme un prophète, Almustafa, et qui s’apprête à les quitter. Ainsi avant de le laisser partir, ces hommes et femmes de la cité lui demandent l’ultime faveur de répondre à leurs interrogations, de leur dispenser un peu de la sagesse qu’il a acquise à les observer. Et à toutes ces questions, le prophète répond en vérités poétiques. L’amour, le mariage, la mort, la connaissance de soi, la tristesse et la joie, l’enfance, et j’en oublie ; à travers les mots de son prophète, Khalil Gibran nous livre ses pensées les plus fines et la justesse qui s’en dégage nous touche au cœur en



un cadeau de tolérance et d’accomplissement.



Un recueil de petites morales essaimées en repères d’un chemin possible de vie à suivre dans l’acceptation de tout ce que cette vie nous offre : des merveilleux instants de bonheur aux plus dures réalités de l’existence qui semblent nous accabler.


Une des phrases les plus marquantes de ce court texte :



S[i le maître] est vraiment sage, il ne vous invitera pas à entrer
dans le logis de sa sagesse, mais vous conduira bien plutôt jusqu’au
seuil de votre propre esprit.



Comment ne pas souscrire à cela tant il semble vrai que tous égaux que nous sommes, nous possédons sensiblement la même faculté de nous ouvrir aux autres bien que nous ne l’utilisions pas de la même manière, bien que nous l’acceptions chacun selon notre bon vouloir. Ainsi la philosophie que l’auteur cherche à nous transmettre est celle d’



une ouverture d’esprit toujours alerte et bienfaisante,



recherchant le positif dans toutes nos différences et nous intimant l’ordre de ne pas s’apitoyer car viendra toujours un meilleur, accepter les cycles car sans eux nous ne connaîtrions pas la multiple variété des sentiments qui nous font vivants :



Et sait qu’aujourd’hui n’est que la mémoire d’hier, et demain le
rêve d’aujourd’hui.



Ou encore



Votre bonté réside dans votre désir d’un moi géant : et ce désir est
en vous tous. Mais chez quelques-uns d’entre vous, ce désir est un
torrent qui se précipite violemment vers la mer, emportant les secrets
des collines et les chants de la forêt. Et chez d’autres c’est un
ruisseau étale qui se perd en angles et en courbes et traîne avant
d’atteindre le rivage. Mais que celui qui désire beaucoup ne dise pas
à celui qui désire peu, Pourquoi es-tu lent et hésitant ?



Si là n’est pas résumée l’idée d’un respect universel…


Toutes ces images empruntées à la nature ne font que renforcer le poids de ce qu’elles illustrent tant Khalil Gibran n’oublie jamais de placer l’homme au sein de cette nature, partie intégrante même d’un écosystème de vie qui se développe à nos côtés, avec et sans nous. Ainsi nous pouvons nous développer avec et sans l’autre, avec et sans notre environnement : c’est la somme de ces ensembles qui nous construit.


Avec Le Prophète, Khalil Gibran ne fait que nous révéler cette vérité simple, enfouie en chacun de nous. Un livre de sagesse donc,



un manuel de survie sans artifice



et à la portée de tous dont l’universel message, s’il était entendu, conduirait nos sociétés à des paix plus durables que l’éternité. Mais tous ces préceptes sont-ils applicables ?


C’est un texte court, moins de cent pages, je l’ai déjà dit, ce qui m’a donné l’occasion de le lire deux fois aujourd’hui, en début d’après-midi et là, en début de soirée. Et par deux fois, l’acuité de certaines sentences, dans l’optique de mon expérience personnelle récente, m’a mis les larmes aux yeux à plusieurs reprises. La sagesse qui se dégage de ce texte qu’Amin Maalouf considère être « devenu une petite bible pour d’innombrables lecteurs » ne peut que nous toucher caressant en nous l’idée, l’éphémère volonté, de s’y soumettre. La sagesse de ce livre en fait effectivement



un compagnon de réflexion qui peut nous accompagner au quotidien



afin d’être là dans ces moments de doutes et de certitudes pour nous répondre et nous interroger.


Un livre à lire. Un livre à vivre dans la mesure du possible…
Un compagnon sur le chemin :



Quel ami serait-ce si vous le recherchiez pour quelques heures à
tuer ? Recherchez-le toujours pour quelques heures à vivre.


Créée

le 27 févr. 2015

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