Antigone de Jean Anouilh c'est un livre important, en tout cas pour Sorj Chalandon, un auteur que je ne connaissais pas, (pardonnez mon manque culture littéraire, je travaille à combler ce manque) c'est le moyen de nous offrir un très bon livre. Mais c'est aussi le livre adoré, le grand amour, d'un personnage important que rencontrera le héros de cet histoire. Un héros assez naïf tout d'abord, mais qui va au fil du livre perdre son innocence.
Antigone c'est aussi une promesse que fait le héros à son ami mourant, une promesse que tout va bien aller, qu'il mènera son projet coûte que coûte, même si c'est un projet risqué qui l'éloignera à coup sûr de sa famille.
Antigone c'est un pari de fou au sein de la guerre du Liban, un doux rêve, une idée insensé ou absurde. Quoique moins absurde que ces snipers que le héros va croiser dans cette guerre qui récitent le poème "Demain dès l'aube..." de Victor Hugo avant d'abattre leur cible. Moins dingue que les conditions de vie des palestiniens dans les bidonvilles. Prendre une personne de chaque camp pour lui faire jouer un personnage de cette pièce de théâtre et l'espace de cette représentation, avoir l'espoir que les soldats de chaque camps déposent les armes le temps de cette pièce, à défaut d'être une proposition de paix, il s'agit d'une proposition de répit en somme. Et dès le départ le projet montre ses limites, puisque si l'histoire plait à chaque camp, c'est qu'il la récupère et la détourne plus ou moins afin qu'il s'identifie en calquant l'histoire sur sa position dans le conflit.
Antigone c'est le moyen pour l'auteur d'aborder, avec une plume très immersive, la guerre du Liban avec pas mal de précision et de manière assez peu manichéiste. Ici on est pas comme dans la majorité des films de guerre Américain de ces 20 dernières années, où les guerre sont trop souvent résumé aux gentils innocents d'un côté et aux gros méchants monstrueux de l'autre. Dans Le Quatrième Mur chaque camp à ses "raisons", chaque camp a subi des massacres et veux se venger de ses ennemis, et surtout chaque camp est humanisé. Et l'auteur connait son sujet, il connait cette guerre, ses belligérants et sa complexité. Cependant l'auteur s'attache clairement plus aux Palestiniens, présentés comme les grands perdants de la guerre, représentés par Imane, l'Antigone de l'histoire, une jeune femme magnifique, institutrice apprenant les poèmes de Mahmoud Darwich aux enfants vivant à Chatila. Et au fil des pages, l'auteur nous fait aussi ressentir les plus tragiques événements de cette guerre. Comme le massacre à Damour. Le point de non retour atteint par l'armée Israélienne, quand elle a envahi le Liban, pour neutraliser les Palestiniens plus qu'autre chose et qu'elle en a profité pour bombarder notamment l'hopital de Chatila au phosphore blanc. L'arrivée violente de l'armée Syrienne au Liban. Et surtout les massacres de Sabra et Chatila.
Antigone c'est une pièce qui mourra avec son héroïne lacérée, égorgée et violée à Chatila, hantant le héros souffrant d'un choc post-traumatique particulièrement violent, et très bien abordé par l'auteur. En effet si le héros revient à Paris vivant, il a certainement perdu au Liban toute forme de vitalité. Il y a perdu ses dernières larmes, amenant à des scènes très fortes, traitant des répercussion de ce choc avec sa femme et sa fille. Il ne comprends plus les petites habitudes des gens en paix, il ne comprends plus l'innocence de sa fille. La guerre et les massacres ont empoisonnés son esprit, l’échec de sa pièce de théâtre et donc de sa promesse le ronge, les morts le hantent, l’obsèdent, au point qu'il quittera sa famille pour retourner au Liban, pour embrasser cette guerre. C'est un sentiment particulièrement fort, et retranscrit à mon avis avec brio dans ce livre.
Au final Antigone c'est le fil rouge du prologue à l'épilogue de ce livre qui prends aux tripes. Peut-être pas dès le début, l'auteur s'attardant à poser le décors, à présenter les personnages. Mais dès qu'il plonge dans la guerre du Liban, le livre devient aussi viscéral que passionnant jusqu'au bout, à l'exception peut-être de la toute fin, des dernières lignes un peu pompeuse. Mais sinon on a affaire à un récit fort et haletant et qui se lit en plus très facilement. Un livre dont il serait fort dommage de passer à côté.