De la quatrième de couverture qui promettait la guerre et les ennemis à rassembler autour d’une tragédie (une fausse, la vraie se jouant dehors), je n’ai pas vu grand-chose pendant les premières 85 pages où je suivais, relativement perplexe, les tribulations d’un post-ado militant de gauche qui aimait aller casser du militant de droite barre de fer à la main, interrompu seulement par quelques intermèdes amoureux qui m’ennuyaient ferme. A ce stade, j’ai failli lâcher le bouquin, et c’eût été une grave erreur.
Parce qu’arrive ensuite, enfin, le Liban. Beyrouth morcelée. Les Druzes, les maronites, les chiites, les Palestiniens, les catholiques, les Arméniens, les sunnites. Les haines viscérales des uns, les compromis de convenance avec les autres, comme un diagramme avec plein de flèches de toutes les couleurs qui partent dans tous les sens et s’entremêlent à l’infini, et où il n’y aurait ni bons, ni méchants. Et puis il y a les personnages, émissaires de chaque communauté, lancés à l’assaut d’une trêve sous les masques d’Antigone, de Créon, d’Izmène et des autres.
Avec Georges (le militant de gauche suscité, accessoirement metteur en scène), on rassemble petit à petit les pièces du puzzle, on se met à y croire franchement, on brûle d’enthousiasme, au moment où passe le premier avion…
Sorj Chalandon met des mots sur l’indicible, et des mots justes, pesés. Il va chercher au fond de l’âme humaine les rouages de la guerre.
Vertigineux.