Le Rouge et le Noir par ngc111
Le rouge de la passion, le noir de la raison ? La passion (ou l'amour né dans le cœur) pour Mme Rênal et l'amour raisonné (et raisonnable), construit dans l'esprit pour la jeune Mathilde. Entre les deux, la volonté de Julien Sorel balance.
Certes le titre a plutôt été expliqué par Stendhal lui-même comme symbolisant les couleurs désignant l'habit militaire et l'habit religieux, statut social et ambition changeant du jeune homme ; mais l'interprétation peut pourtant amener à envisager d'autres hypothèses comme celle évoquée en début de critique.
Ces considérations sur l'intitulé évoquées, il reste un récit la plupart du temps captivant, où l'auteur peint avec justesse et nuances des caractères variés et intéressant à voir évoluer. Certes, les changements permanents dans l'attitude et l'état d'esprit du jeune Sorel et surtout de la demoiselle de la Mole peuvent agacer car ils s'étalent parfois sur plusieurs pages voir plusieurs chapitres ; mais il n'en reste pas moins que le contraste entre les deux personnages féminins est saisissant et captivant.
Entre l'épouse Mme de Rênal, romantique, mariée sans amour et qui découvre la passion avec le jeune ambitieux, et Mathilde, la jeune fille lassée du mondain et de l'amour sage et destiné qui trouve en Julien l’impétuosité, la fougue et l'insolence d'un jeune fils d'artisan, chaque partie propose une relation aux enjeux différents et à la construction opposée.
Au milieu de ses deux conquêtes, il y a donc Julien Sorel, issu d'un milieu modeste pour lequel il n'est pas fait ; jeune homme plein d'ambition qui n'hésite pas à se servir de la religion pour progresser socialement (alors qu'il ne croît pas réellement à un Dieu qu'il dit trouver trop enclin à la vengeance et à la punition) et qui méprise les autres tout en cherchant finalement à les impressionner. Malgré cette carapace qui pourrait passer pour de la froideur, Julien va vite démontrer que son caractère calculateur ne peut toujours triompher des élans passionnés et des fièvres délirantes que peut provoquer l'amour passionné.
Cela l'amènera d'ailleurs à commettre un geste fou, difficilement prévisible pour le lecteur, qui lance une conclusion absolument divine, où Stendhal dépeint parfaitement l'humeur d'un homme qui sait enfin ce qu'il veut réellement, qui comprend qui il est réellement.
Le Rouge et le Noir à la couleur des romans touchés par la grâce lors de certains passages, il aussi par instant la couleur des romans qui tournent un tant soit peu en rond avec certains de ses personnages (les quelques répétitions dans la relation avec Mathilde).
En mélangeant les deux on obtient une œuvre dense, de qualité, fort bien écrite, à la fois véridique (d'ailleurs inspirée d'un fait divers réel) et touchante, gracieuse par moment.