Dans nos têtes ça s'agite, surtout au quotidien

Simone de Beauvoir nous embarque dans les pensées (agitées) du quotidien de Jean, et aussi dans celles d'Hélène, de 1936 jusqu'au cours de la Seconde Guerre Mondiale.


"Embarquer", c'est le cas de le dire... Passée une phase nécessaire de prise de repères au début du roman, durant laquelle on est un peu perdu (on suit un passage qui se trouvera en fait à la fin de l'histoire, il nous manque des informations pour tout comprendre), on lit et relit des passages pour saisir les personnages, les lieux, le sens des actions ou des dialogues. Puis après une petite collecte d'infos, on embarque, et là ça ne s'arrête plus du tout. J'ai trouvé les mots et la syntaxe percutants, justes, prenants.



Du quotidien normal, plan-plan, mais où on fait ce qu'on peut



Cette langue, elle sert donc notre découverte de Jean, un jeune homme qui veut plus que tout que sa vie n'ait aucun impact négatif sur la vie des autres. Il remet ainsi sans cesse ses actes en question. Il quitte son milieu bourgeois, il se veut ouvrier comme les autres, il revendique les droits du travail en étant un acteur majeur des débats et des manifestations.


Une inégale, entêtante (et agaçante) relation se met en place avec Hélène, qui est fascinée par lui. (je t'aime... moi non, pas du tout... je t'aime encore... moi non, toujours pas du tout... je t'aime... ouais bof, mais bon...). Dans les pensées d'Hélène est constamment présent le questionnement de "suis-je quelqu'un pour les autres ?" "est-ce que j'existe ?" "comment, à quel point ?". Elle est très spontanée, c'est ce qui fait sa personnalité et la rend justement si existante, mais elle est aussi perçue comme une enfant.


S'enchevêtrent donc les engagements de Jean, la passion d'Hélène, et les questionnements des deux, pendant une vie quotidienne environnante à peu près habituelle.



Du quotidien qu'on n'a pas voulu, où on est bringuebalé dans tous les sens, et où on fait encore ce qu'on peut



Puis, petit à petit, on entre dans la Seconde Guerre Mondiale. Plongé dans leur quotidien, ça arrive vraiment graduellement, presque sans s'en rendre compte. Les questionnements de l'un et de l'autre restent les mêmes, mais les réponses qu'ils y donnent diffèrent de plus en plus de celles qu'ils auraient eues par le passé. Ça devient d'autant plus intéressant. Quels choix faire selon leurs raisonnements respectifs ?


Pour l'un, qui, de par son implication de départ, devra se poser la question de : jusqu'où peut-il aller pour ce qu'il estime bon ? et à quel point cela rend justes d'autres dégâts que cela peut causer ?


Pour l'autre, il s'agira de se décentrer, de réaliser ce à quoi elle fait face, et de n'agir plus seulement pour elle-même.


On suit avec un intérêt qui ne nous lâche plus les actions impactantes que pourront avoir les deux protagonistes et leurs camarades. Leurs remises en question prennent de plus en plus leur sens et font vraiment réfléchir.


Le poids d'une vie sur celle des autres, les bienfaits d'une vie sur celle des autres, la transparence d'une vie parmi celle des autres.

Smilaf
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le 4 mai 2019

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Smilaf

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