Un jour où blondinette n'était pas là, c'est un de ses collègues qui a pris le relais. Je ne peux plus l'appeler Blondinet depuis Farenheit 2010 où Isabelle Desesquelles avait surnommé son nouveau patron ainsi, mais il faut avouer qu'il l'est, blond... Bref. Il y avait une opération Folio, ils avaient mis sur table chacun leurs deux ou trois romans préférés de la collection, et lui il avait mis Le Seigneur des porcheries. Alors bon, ma foi, pourquoi pas. J'ai pensé que c'était de la littérature française (oui, moi, Tristan Egolf, à première vue je dis Breton, pas Etasunien. Et puis en plus ça avait l'air de parler de porcheries), je l'ai mis dans un coin et j'ai attendu le bon moment. Il m'a fait de l'oeil longtemps dans son coin, pendant que je lisais d'autres choses, et puis un matin POF je l'ai pris et vogue la galère.

J'ai eu l'impression de nager la brasse coulée : un coup plongée dedans en apnée, un coup tête en l'air à penser à autre chose. Le roman retrace une vengeance, depuis les causes de la haine de John, le héros, envers Baker, sa ville natale, jusqu'à l'assouvissement brutal de toutes ces années de colère. Assouvissement qui sera brutal, aidé en cela par une narration très réaliste et très détaillée, à tel point que je me suis parfois sentie mal à l'aise. Certaines pages sont superbes, on sent une tension impressionnante, le jeu des personnages fait alterner les sentiments du lecteur à vitesse grand V, mais la violence de l'écriture et du vocabulaire utilisé pour qualifier les habitants de Baker laisse parfois un goût amer dans la bouche. On sent une réelle identification de l'auteur à son héros, et cette violence m'a parfois déplu.

Non pas que je soie une midinette qui n'aime que les romans à l'eau de rose, bien sûr, mais appeler les habitants de Baker des trolls ou des rats de rivière, considérer le monde entier comme l'ennemi de son héros et accumuler sur la tête de celui-ci tous les malheurs du monde... ça fait un peu trop pour moi. Même si j'ai beaucoup aimé l'écriture, le rythme de la narration et les trouvailles scénaristiques, je ne suis pas certaine que ce roman me laisse un très bon souvenir. Trop dur, trop méchant peut-être. Le « climax » atteint lors de la partie de basket est jouissif, mais il donne également une piètre image de l'humanité. On me dit souvent misanthrope, je ne le suis pas à ce point-là !

En résumé, je ne sais pas trop si j'ai aimé ou pas ce roman. J'ai ressenti un réel plaisir à la lecture d'une écriture très particulière et en même temps magistrale, mais le fonds du roman ne m'a pas touchée. Je reste dans un entre-deux pas forcément très confortable, mais je ne peux pas encore en sortir. Dans quelques années peut-être ...
Ninaintherain
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le 26 mars 2012

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