J'ai vu par hasard que la saga de Martin squattait dans le haut du classement, passant crânement devant Dante, Céline, ou même Shakespeare. Au fond, pourquoi pas, ces classements dont l'Internet est friand révèlent systématiquement leurs lots d'horreurs. Mais j'ai quand même décidé de m'adresser aux personnes vierges de toute ligne du Jabba the Hutt de la fantasy, afin de les enjoindre à se contenter de la série qui leur économisera une effroyable perte de temps, car ASOIAF ne pèse pas loin de 7 000 pages.
Mon court développement sera issu de ma lecture des cinq premiers tomes en anglais, soit l’intégrale publiée à la date de cette critique.


Ne lisez pas A Song of Ice and Fire, parce que vous n’en verrez jamais la fin. Martin a 65 ans. Il est gros, a le teint cireux et l’œil glauque. La cuisine est, selon son roman, ce qu’il semble avoir compris le mieux du Moyen-Âge, monsieur doit aimer les plats en sauces.
Donnons lui encore cinq ans et paf ! Infarctus ! AVC ! Au-dessus d’une machine à écrire qui se trouvait par hasard sur le trajet qui reliait deux restaurants. Et lui n’aura pas de prêtre de R’Hllor pour lui sauver la mise, comme il le fait avec la moitié de ses désormais increvables personnages.
Bref, les fidèles moudjahidines de Martin et autres Westerosiens de Clichy-la-Garenne ou Mulhouse, devraient lui foutre des coups de pompes dans ses grosses fesses en gelée, et le coller sur une feuille de papier au plus vite. C’est ce qu’a fait Herbert pour Dune m’a-t-on dit, il a abandonné ses projets parallèles pour se concentrer sur son cycle. Mais Herbert était écrivain.

Ne lisez pas G.R.R. Martin qui n’a de Tolkien que deux initiales. Mais lui présume que le maître d’Oxford aurait apprécié son œuvre. Difficile de parler à la place d’un mort, je reste dans le doute, Tolkien gavé de littérature classique et de grands textes médiévaux, comment savoir si ce fantasme de Moyen-Âge en carton-pâte hollywoodien, saturé de vulgarité et de coïts qui sentent plus l’exploitation douteuse que le D.H. Lawrence, lui aurait sis ?
Tolkien est entièrement style, il passe sans gène du poème à la narration, chez lui un coucher de Soleil n’est pas « rouge sang », les portraits ne se contentent pas de répéter à l’infini qu’un personnage se mord la lèvre ou se gratte furieusement un moignon de nez, ou à ânonner sur tous les tons de sous-entendus possibles les métaphores les plus épaisses (« prenez garde ! Le lion est le plus féroce quand il garde son territoire, mais n’oubliez pas que le loup est toujours en meute ») afin de donner l’illusion du trait d’esprit.

Ne lisez pas le Trône de fer si l’on vous a raconté que c’est plus médiéval que fantastique. En vérité, le premier à avoir raconté ça, c’est Big George lui-même, reprochant aux autres auteurs de faire de la fantasy de Disneyland, alors qu’il allait envoyer la vraie sauce. Malheureusement, l’éjaculat que voilà n’est pas digne d’un Peter North.
La culture médiévale de Martin vient, si j’en crois son site, de divers romanciers de genre à la Follett, et des Rois maudits de Druon, mais à ma connaissance, n’est ni étayée par des sources académiques, ni classiques. On pourrait s’en foutre, hélas, quand on s’est fait blouser en pensant venir pour autre chose qu’une expérience à la Jacquouille la Fripouille, on calcule rapidement les limites du décor: Martin met deux tomes pour découvrir l’héraldique, au moins quatre pour épaissir un peu le fait religieux (et encore, à côté de la pétasse de Stannis, presque personne ne prie dans ASOIAF), l’architecture, il n’y en a pas, à part bien sûr les mâchicoulis réglementaires, pas de poésie, pas d’art, la musique fait son apparition au troisième tome. Pourtant, en 7 000 pages, il y en avait de la place pour faire rentrer une civilisation. Il faut croire que pour Martin, le Moyen-Âge ça s’est arrêté au bûcher de Jacques de Molay et à Azincourt. Et à bien y réfléchir, les seules tentatives qui vont en ce sens concernent les territoires de l’est, là où l’on nage en pleine fantasy sans l’exigence pénible de la mauvaise histoire.


Voilà, lisez plutôt Guerre et Paix. Ça parle de la même chose : la grande politique, l’amour sous les coups de canon, les drames des petits et des grands peuples, des millions d’hommes qu’on extermine. Et puis le grand méchant est ultra bath, c’est Napoléon, c’est quand même autre chose que cette cruche à moitié conne de Cersei.
Aliocha
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le 12 mars 2013

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