Le Trône de fer – L'Intégrale, tome 1 par TiggerLilly

Bon, je vous le dit de suite, ce billet va être long. Genre, long comme un hiver dans le monde du Trône de Fer.


Je vais commencer par faire un digression afin de clarifier le découpage des tomes, histoire que les personnes qui ne l'ont pas lu et n'ont pas suivi les pérégrinations éditoriales ne se sentent pas perdus.


Le Trône de Fer a subi la maltraitance des éditeurs lors de son passage à la traduction française. Le plus probablement pour des raisons financières. Bref, le découpage original a été charcuté, de ce fait le nombre de tomes s'est multiplié par rapport à l'édition américaine : si aux US, quatre tomes (dont un coupé en deux, ce qui fait cinq) sont actuellement sortis, c'est pas moins de 13 volumes qui sont sortis en France.


Récemment, Pygmalion (pour le grand format) et J'ai Lu ont réédité la série en respectant le découpage original. J'ai Lu (la présente édition) propose un format mi-poche, mi-grand format, avec un prix entre les deux aussi. Je vous conseille vivement cette édition. Les couvertures sont superbes, il est moins lourd qu'un grand format, le papier est souple, fin et agréable. La tranche ne s'abîme pas à la lecture (ce qui tient quasi du miracle vu l'épaisseur de la chose). La seule critique négative que j'aurais à faire c'est de ne pas respecter les titres originaux anglophones. L'intégrale 1, l'intégrale 2, l'intégrale 3... Ouais okay, mais ces bouquins ont un titre quand même, ce serait cool de le respecter, surtout que parler d'intégrale quand il s'agit juste de rendre à l'édition originale ce qui appartient à l'édition originale, c'est un peu prendre le lecteur pour un benêt.


Donc, ce dont je vais vous parler ci-dessous (on y arrive) est l'intégrale tome 1, soit A game of Thrones en anglais, soit Le Trône de Fer & Le Donjon Rouge pour le découpage francophone. Il me plait à penser que toutes ces politiques éditoriales ne sont que le reflet de ce qui nous attend à la lecture de l'ouvrage.


Le livre commence par un prélude qui nous dévoilera l'un des seuls éléments de fantasy que l'on pourra trouver dans ce premier tome : ce que les hommes du Nord appellent les Autres. Créatures terrifiantes confinées derrière le Mur qui protège le reste du continent de leurs méfaits. Ce qui est flippant, c'est que la menace de ce qui se trouve derrière le Mur est loin d'être le pire de ce qui arrive, des éléments du récit nous empêche de l'oublier et on se demande ce qui va leur tomber sur la tête en plus de tout le reste. Les Autres sont l'épée de Damoclès du Trône de Fer. Le fil finira par casser, c'est sûr, le tout est de savoir quand.


Ce n'est que le prélude. Le début de l'histoire voit venir le Roi (celui qui pose son postérieur sur le fameux Trône de Fer) en visite chez son vieil ami du Nord, Eddard Stark afin de lui demander de devenir la Main du Roi. Le titre de Main du Roi pourrait s'apparenter à quelque chose comme un premier ministre, un peu ce que fût Mazarin pour Louis XIV, par exemple. Eddard dont l'intérêt pour le pouvoir se limite à l'administration de son fief n'est pas très emballé. Il accepte quand même, parce qu'il n'a pas vraiment le choix. Tout part de là, et ça va faire boule de neige.


Les évènements vont s'enchainer lentement au début et puis vont s'accélérer. Les alliances, les trahisons, les histoires sordides de famille, les meurtres, les guerres finalement, rien ne nous sera épargné. Un équilibre précaire va être maintenu jusqu'au point de rupture que j'associe symboliquement aux paroles de Cersei (la femme du Roi, je ne vous dis qu'une chose c'est une vraie pétasse, celle-là) pour Eddard Stark : "Lorsqu'on s'amuse au jeu des trônes, il faut vaincre ou périr, il n'y a pas de moyen terme". Et là, je vous assure, on en a des frissons dans le dos. Dans les faits, le point de rupture est lié à un évènement majeur qui arrive peu de temps après ces mots de la reine.


A côté de cette intrigue principale, on va suivre deux intrigues parallèles :
- l'histoire de Jon Snow, bâtard d'Eddard, qui va rejoindre les frères de la Garde de Nuit, qui sont les gardiens du Mur. Histoire de garder un œil sur notre épée de Damoclès numéro 1.
- l'histoire de Daenerys et de son frère, descendants de l'ancien roi dont la place a été prise par Robert, le roi sus-mentionné que l'on appelle aussi l'Usurpateur (tout ça pour vous dire qu'il est arrivé sur le trône de manière pas très catholique). Daenerys et Viserys se sont exilés sur un autre continent aux mœurs bien différentes du pays d'où ils viennent, dont ils ont bien l'intention de récupérer la couronne. Histoire de garder un œil sur l'épée de Damoclès numéro 2.


Bon, je vous avais dit que ce serait long, ce n'est pas encore fini. Je n'ai pas encore dit pourquoi ce bouquin est génialissime :


• La complexité de l'histoire
La richesse des intrigues, des retournements de situation, des histoires des différentes familles rendent le livre très cohérent, très réaliste. Le fait aussi que les aspects de fantasy soient peu exploités les rendent extraordinaires, terrifiants et excitants. Il est impossible de les banaliser, ce qui rajoute au réalisme.
Cette complexité peut rendre Le Trône de Fer difficile d'abord, un peu rebutant pour certains. Mais ça vaut vraiment la peine de s'accrocher.


• La complexité de l'univers
GRR Martin nous propose un monde inventé de toute pièce, hyper travaillé. Les mœurs et modes de vie des différents peuples sont étudiées avec précision. L'auteur a également un don pour rendre originaux des éléments de fantasy assez classiques.


• La pluralité des points de vue et des personnages
Une autre particularité de ce cycle est qu'il n'y a pas un personnage principal. On pourra dire éventuellement qu'il y a une famille principale : la famille Stark qui est davantage mise en avant dans ce premier tome (ce qui ne garantit rien pour la suite, à mon avis).
L'histoire nous est racontée du points de vue de huit personnages différents, à la troisième personne. Chaque chapitre est consacré à un personnage, pas forcément dans un ordre défini : certains reviennent rapidement, on entendra plus parler d'un autre pendant un moment, et cela peut évoluer tout au long du récit.
La hiérarchisation des personnages se fait de cette manière : personnage principal de point de vue (exemple : Eddard, Daenerys, Jon, Arya ...), personnage principal sans point de vue (Robert, Cercei, Jaime, ...), personnages secondaires (les amis de Jon à la Garde de Nuit, Jorah Mormont, Mestre Luwin, ...)
Ne vous imaginez pas qu'à cause de cette pluralité des personnages, il n'est pas possible de s'y attacher ou que leur psychologie est primaire. C'est tout le contraire.
Évidemment, chacun aura ses préférés. Les deux figures féminines que je préfère sont Daenerys et Arya, qui dans ce monde où le mâle détient le pouvoir, sortent du lot. La première en grandissant et en prenant de l'assurance d'une façon époustouflante ; la seconde est encore bien jeune mais on sent déjà sa pugnacité, si en plus on la compare à sa sœur ...
Du côté des personnages masculins, Tyrion est un personnage très intéressant. Seul personnage point de vue de la famille Lannister, il est difficile de savoir s'il va rester dans le même camp. Son ironie, sa vision du monde, son sens de l'auto-dérision, son handicap le rendent très attachant. Jon retient également mon attention, encore bien jeune, bâtard de grand seigneur, engagé dans la Garde de Nuit, on se demande ce qu'il va devenir et comment il va évoluer, en bien ou en mal ?
Je pourrais parler des personnages pendant des heures, tellement il y a à en dire. Pour éviter de spoiler ceux qui n'ont pas encore lu le bouquin, j'en resterai là (et aussi parce que ce billet devient vachement long).


• Les talents de conteur de l'auteur
GRR Martin est également scénariste. Eh bien, cela se sent. On se prend à feuilleter les pages pour savoir qui va être le personnage point de vue suivant. Chaque fin de chapitre est un déchirement. En même temps, quand un nouveau commence, on est emballé de savoir enfin ce qui se passe de l'intrigue laissée ouverte quelques chapitres plus tôt.
C'est d'une efficacité redoutable. Il est conseillé de lire ce livre quand on a du temps devant soi, au risque de subir une frustration difficilement supportable. On en vient à vouloir y passer des nuits blanches les veilles de journée de boulot et que des voyages en train interminables durent encore plus longtemps.


Ce cycle a un défaut. Celui de ne pas être fini et de souffrir des lenteurs d'écriture de son auteur. Il faut savoir avant de se lancer dans l'aventure que l'écriture du cinquième tome n'est pas finie, qu'après être sorti en anglais, il faudra attendre la traduction avec les étapes suivantes sans doute : grand format découpé, petit format découpé, grand format pas découpé, semi-format pas découpé. Si vous êtes comme moi un peu obsessionnel sur les éditions de vos livres préférés, il va falloir un bon bout de temps pour que le tome 5 sorte dans l'édition J'ai Lu intégrale ...


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TiggerLilly
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Créée

le 14 déc. 2014

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