J'ai pleuré. J'ai pleuré lorsque notre cher Allan est passé, sans sourciller, du camp républicain au camp franquiste. Beaucoup verseraient des larmes du fond de leur fosse commune à l'idée de savoir que près d'un siècle plus tard, certains traiteront avec tant d'indifférence le fait d'avoir lutté pour la liberté et l'égalité et le fait de se ranger du côté d'un dictateur sanguinaire dont la tyrannie s'étendra pendant plus de trois décennies.


Et c'est comme ça tout le temps. A l'instar d'un Forest Gump, Allan marque les époques malgré lui. En rendant le personnage sympathique, son "apolitisme" le devient également. Tout se vaut finalement : rouge ou blanc ; républicain ou falangiste ; Kuomintang ou communiste chinois ; tout ça, c'est du pareil au même... à quoi bon prendre position donc.


Ce roman est en fait, sous couvert d'une leçon d'histoire, une apologie de l'indifférence (ce faisant, Jonasson ne fait que s'inscrire dans l'air du temps ceci dit). Or voilà, comme Gramsci, je hais les indifférents. Et comme je ne saurais mieux en expliquer le pourquoi qu'en ses termes, voici :


"[...] L’indifférence est le poids mort de l’histoire. C’est le boulet de plomb pour le novateur, c’est la matière inerte où se noient souvent les enthousiasmes les plus resplendissants, c’est l’étang qui entoure la vieille ville et la défend mieux que les murs les plus solides, mieux que les poitrines de ses guerriers, parce qu’elle engloutit dans ses remous limoneux les assaillants, les décime et les décourage et quelques fois les fait renoncer à l’entreprise héroïque.


[...] Elle est la fatalité; elle est ce sur quoi on ne peut pas compter; elle est ce qui bouleverse les programmes, ce qui renverse les plans les mieux établis; elle est la matière brute, rebelle à l’intelligence qu’elle étouffe. [...] Ce qui se produit, ne se produit pas tant parce que quelques uns veulent que cela se produise, mais parce que la masse des hommes abdique devant sa volonté, laisse faire, laisse s’accumuler les nœuds que seule l’épée pourra trancher, laisse promulguer des lois que seule la révolte fera abroger, laisse accéder au pouvoir des hommes que seule une mutinerie pourra renverser."

Créée

le 16 juin 2018

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