Après les ruées vers l’or qu’ont connu la Californie (contée le roman de Blaise Cendrars « L’or »), l’Australie et le Transvaal, c’est au tour du Klondike de voir affluer d’innombrables prospecteurs de tout poil. De 1897 à 1899, cette contrée hyperboréenne à l’ouest du territoire du Yukon au Canada et jouxtant l’Alaska, voit sa population exploser : Dawson City, sa capitale, passe en effet du modeste camp de pêcheurs jusqu’en 1896 à une ville surpeuplée de 40.000 habitants en 1898 (avec tous les problèmes, notamment d’hygiène, que cela entrainent). Et chose curieuse – qui n’est peut-être qu’une coïncidence –, le premier prospecteur à avoir trouvé de l’or et déclenché la ruée se nommait Ms Donald.


Loin de ce tumulte, Summy Skim et son cousin germain Ben Raddle coulent des jours heureux entre leur maison du centre de Montréal et leur vaste propriété agricole de Green Valley. Ils sont raisonnablement riches : sans être millionnaires, ils sont suffisamment à l’aise pour vivre agréablement de leurs rentes. Si cette vie dépourvue d’aléa convient parfaitement à Summy passionné de chasse et de tranquillité, son cousin – ingénieur de son état – tient moins en place.


Lorsque les deux hommes apprennent qu’ils héritent d’un claim (une parcelle d’exploitation minière) aux confins du pays, leurs réactions divergent donc : Summy est mécontent de voir sa vie paisible bouleversée tandis que Ben est enthousiaste. Des discussions qui s’ensuivent, Ben sort vainqueur : les cousins feront le voyage jusqu’au Klondike afin d’estimer la valeur de leur héritage et le vendre au meilleur prix. C’est à cette seule condition de rentrer promptement que Summy accepte de partir. Mais l’adjectif « prompte » doit évidemment être relativisé, car de Montréal, via Vancouver, Stagway et Dyea, deux mois sont nécessaire aux cousins pour atteindre Dawson City après un périple épique qui n’est pas à piquer des hannetons. Périple qui a également eu l’avantage de mettre les deux hommes en relations avec deux jeunes filles (cousines germaines et célibataires elles-aussi, cela va de soi) : Jane et Edith Edgerton.


Bien évidemment, l’enthousiasme de Ben s’est encore accru au fur et à mesure que le duo approchait du but. De curieux, il devint tout bonnement toqué : la fièvre de l’or est contagieuse. Et comment se faire une meilleure idée de la valeur de leur bien qu’en l’exploitant durant le temps de la vente ? Vente qui se voit d’ailleurs retardée par une contestation quant à l’emplacement exacte de la frontière américano-canadienne : le claim dont les deux hommes ont hérité pourrait bien changer de pays si la ligne séparant les deux états, arbitrairement placée sur le 141e parallèle ouest, avait mal été transcrite sur le terrain.


Ce contretemps sert les intérêts de Ben et exaspère Summy, impatient de regagner son havre verdoyant. Contre toute attente, le claim qu’ils commencèrent à exploiter se révéla intéressant. De quoi revoir à la hausse le prix de vente escompté par les héritiers. Intérêt qui s’accru encore lorsqu’un filon d’une grande richesse fut découvert. Ben, avide de richesses, travaillait sans compter. Son cousin, tout à son abnégation, demeurait de marbre face à cet or dont ses mœurs casanières n’auraient su dépenser.


La fortune des deux hommes étaient faite lorsqu’un tremblement de terre modifia le cours de la rivière Forty Miles Creek : l’exploitation aurifère se retrouva engloutie sous plusieurs mètres d’eau glacée : gisements, installations, matériel et stocks d’or déjà récoltés furent emportés. Ben, blessé, admit alors son échec pour la plus grande satisfaction de Summy. Mais le retour au bercail devait pourtant attendre sa complète guérison. Guérison qui n’interviendrait pas avant l’automne, soit bien après l’embâcle des lacs et des cours d’eau ainsi que la fermeture des cols. La route du retour était coupé jusqu’au printemps.


L’hiver fut rude. Sur le plan climatique évidemment (Dawson City n’est qu’à deux degrés sous le cercle polaire), mais aussi en événements : au cours d’une sortie le long du Yukon pris dans les glaces, les cousins découvrirent dans la neige un homme mourant. Transporté immédiatement à l’hôpital, l’homme confia son secret aux deux cousines et aux deux cousins qui prenaient soin de lui : la découverte d’un volcan sur les bords de l’Océan arctique dont le cratère est empli d’or. La merveilleuse légende du volcan d’or connue de nombreux mineurs venait de se matérialiser sous la forme d’une carte et de coordonnées géographiques.


Les yeux de Ben s’allumèrent à nouveau à l’inverse de ceux de Summy qui comprit que le retour serait vraisemblablement ajourné au-delà des premiers jours du printemps…


Avec ce grand roman d’aventure, Jules Verne témoigne des conditions de vie effroyables des prospecteurs. Certains d’entre eux n’arrivaient jamais à destination, terrassés par les privations, la misère et les périls du voyage. Une fois sur place, il leur fallait ensuite trouver une place libre, payer une fortune pour acquérir le droit de s’y installer et de l’exploiter. Ceux qui n’en avaient pas les moyens se contentaient de se louer et travaillaient pour les autres. Puis bosser au-delà de ses forces dans l’espoir de découvrir quelques paillettes dorées qui seraient aussitôt converties en whisky ou en femme de petite vertu. La fortune se dérobait à la plupart d’entre eux. Quelques-uns se résignaient et repartaient vers l’inconnu. D’autres s’enrageaient et s’épuisaient : beaucoup mouraient alors, terrassés par le typhus qui décimait les rangs, ou par les inévitables accidents.


Les plus malins ne cherchaient pas l’or mais montaient un commerce quelconque et attendaient gentiment que les prospecteurs viennent dépenser leur pécule. Comme le dit l’écrivain par le truchement de l’un de ses personnages, l’or du Klondike reste au Klondike. Les prix prohibitifs ne laissent en effet aucune chance aux orpailleurs de s’enrichir.


Comme de coutume dans les romans de Jules Verne, les informations géographiques, climatiques, faunistiques abondent. Certaines tombent justes, d’autres non : la région, particulièrement dans sa partie la plus septentrionale, étaient encore largement inconnue à la fin du XIXe siècle. Certaines suppositions de l’auteur qui n’avait évidemment jamais trainé ses guêtres dans le secteur se sont révélées fausses : l’embouchure unique du fleuve Mackensie qui se révéla en fait être un immense delta, les immenses forêts que Jules Verne avaient imaginé largement répandues jusqu’au littoral en lieu et place de la toundra arctique qui couvre en réalité le nord du Canada…


Mais ces détails n’ôtent rien à la magie de l’aventure. Jules Verne n’a pas terminé de nous faire rêver.

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le 21 mars 2014

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