Un regard nouveau sur la condition des réfugiés politiques en Europe.

« Le milieu de nulle part » est un livre de philosophie de terrain et de photographie, les deux moyens d'expressions se complétant l'un de l'autre, chacun remétant en question la posture d'autorité de l'autre. Philippe Bazin (photographie) et Christiane Vollaire (philosophie) donnent un regard nouveau sur la condition du réfugié, aux antipodes d'une posture humanitarienne (voir l'individu comme une victime) ou judiciaire (ne le considérer que comme un "témoin").

Pourquoi « le milieu de nulle part » ?

« Le milieu de nulle part » nous parle du quotidien des réfuigiés Tchétchènes en Pologne. « Le milieu de nulle part » explique comment les politiques migratoires détruisent le milieu, l’environnement social du migrant (celui dans lequel il doit attendre) car ce que produit ce milieu c’est un nul-part inhabitable.

L'échange constant avec le milieu conditionne l’existence de tout être vivant, que ce soit un milieu biologique ou un milieu social. Or, les centres pour réfugiés politiques sont des espaces de non-droit (Schengen est régit par des directives temporaires et non par des lois), espaces où nul ne peut s’inscrire dans un devenir, construire. Ce sont enfin des espaces désorientant : leurs occupants ne savent plus où ils vont, alors que l’orientation permet de penser et donc de vivre.

Et pourtant, ces migrants réussissent à s’affirmer contre ce milieu, contre ce nul-part. C'est ce que montre cet ouvrage qui a dû lutter pour arriver jusqu'au public : trop dérangeant politiquement, pas assez porteur selon certains éditeurs.

Le livre nous met face à tous ces paradoxes dérangeants de la condition de réfugié : ce que nous appelons le « mobilier » (ce qui est mobile) est ce qui pour eux est « l’immobilier », ce qui en dit beaucoup sur la relation qu’ils entretiennent à un espace. Chaque photographie d’espace de vie (des « chambres » de 5m² séparées par des toiles) met en scène un espace rangé au mieux, ce que les personnes ont demandé que l’on montre : leur milieu de vie. Ne voulant se risquer à être photographiées, elles voulaient pourtant montrer leur espace de vie pour attester d'une présence.

Ce livre présente donc une certaine disposition de l’espace qui doit témoigner d’une dignité humaine dont on les prive dans ces centres de étention. Cette esthétisation de leur existence, de l’espace de leur existence, va même paradoxalement à l’encontre du message qu’ils veulent faire passer : comment rester digne en montrant la privation de dignité, comment échapper à la victimisation ?


A recommander de toute urgence.
Guillaume_Couga
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le 17 oct. 2013

Critique lue 230 fois

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Le milieu de nul part
Guillaume_Couga
8

Un regard nouveau sur la condition des réfugiés politiques en Europe.

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le 17 oct. 2013

Le Terminal
Guillaume_Couga
4

De l'idée ... rien de plus.

Difficile d'assigner une étiquette à ce spielberg. La réflexion sur l'espace que l'on peut tirer de ce film est très intéressante. L’espace du terminal est un lieu oublié par la législation, un lieu...

le 14 oct. 2013