J'ai acheté la trilogie juste pour la couverture, donc je ne savais absolument pas ce que j'avais dans les mains quand j'ai commencé la lecture. Cette critique concernait au départ le tome 1, mais je ne vois pas les 2 autres tomes sur SI donc je préfère mettre tout ici, au cas où les autres n'apparaîtraient pas. Attention je vous préviens, c'est très long.


[Tome 1]


L'histoire en quelques mots :
La toute récente colonisation de la planète Beta IV Hydri ne se passe pas comme prévu. Dès l'atterrissage, le commandant du vaisseau et son équipage se confrontent aux colons. Les premiers, représentants du pouvoir, veulent organiser la colonie dans la discipline, les deuxièmes, épris d'une volonté de liberté, veulent faire comme bon leur semble, tout simplement. Tandis que ces deux groupes s'opposent, un troisième se créé autour d'un type assez mystérieux, une sorte de chaman indien, qui a fui la colonie pour aller vivre dans un delta que forme l'embouchure du fleuve passant à proximité du site d'atterrissage, et qui semble abriter une forme de vie mystérieuse. En effet, des insectes font des va-et vient incessants vers le centre de ce delta, et disposent visiblement de propriétés physiques pour le moins étonnantes.


Dès le début de la lecture, je tique sur les postulats que propose l'auteur : a) les membres de l'équipage ne se mêlent pas aux colons une fois le vaisseau posé sur le nouveau monde, et b) les colons ne connaissent pas les termes du contrat qui les lient au commandant de bord.


Car la majeur partie du futur conflit se posera entre les colons et l'équipage sur cette base qui semble bien peu crédible. a) l'équipage n'a aucune raison de s'enfermer dans le vaisseau pendant que les colons découvrent leur nouveau monde, l'équipage fait partie intégrante de la colonie; b) les colons n'ont aucun raison d'être surpris quand le commandant leur dit qu'ils seront affectés à des tâches dépendant de leur capacité et non de leur volonté. Ce sont les termes de leur contrat, c'est pour cette raison qu'ils sont là, et il me parait peu probable qu'ils n'aient pas connaissance de cela avant de se lancer dans un périple à travers l'espace. C'est même un peu débile, quand on y réfléchit bien.


Le fossé s'agrandissant entre équipage et colons, le commandant Kodkine prend tout naturellement le chemin de la dictature comme si ça tombait sous le sens, ainsi que la quasi totalité des membres de l'équipage qui s'avèrent être de bons soldats, pour ensuite se transformer en parfaits miliciens sanguinaires, brutes obéissantes prêtes à la plus grand violence. Si ce comportement extrême permet de s'identifier plus facilement aux colons et de prendre leur partie, on trouvera quand même la situation un peu caricaturale.


Je tique aussi sur le mode de narration, puisqu'il semble changer en cours de route à plusieurs reprises de manière assez erratique. En effet pendant la majeure partie du récit, notamment toute la première partie, le narrateur omniscient est presque focalisé exclusivement sur Nathan, le héros. "Presque" car de temps en temps on a le droit à un petit écart vers un autre personnage, mais qui n'en dira que le strict minimum. Cette focalisation est telle que le narrateur décide d'appeler le héro par son surnom, chose qui m'a pour le moins étonné. Enfin bref, à ce moment on regrette un peu de ne pas en savoir plus sur ces autres personnages, mais on se dit que c'est le style de l'auteur et qu'après tout, cela peut entretenir une forme de mystère, chose qui s'avérera d'ailleurs très efficace pour Wowocka, le fameux chaman indien que le narrateur ne suivra tout simplement jamais. Donc ça pourrait marcher comme ça.


Mais plutôt que de continuer sur ce choix narratif et lui donner un sens, l'auteur change tout à coup de personnage central vers le milieu du livre. La raison ? Nat est enfermé et ne peut donc pas voir les événements importants qu'il se passe à l'extérieur. Le narrateur décide donc de se focaliser sur Kathy, en supposant que les lecteurs vont accrocher ce personnage pour la simple et bonne raison que c'est la copine de Nat et qu'un petit chapitre de trois à quatre pages à peine parle d'elle. Et quand cette digression se termine, le temps que les événements se produisent, pouf pouf nous revoilà focalisé sur Nat qui n'est plus enfermé, comme si de rien n'était.


Ce changement manque totalement d'habilité puisqu'à plusieurs reprises des événements se produisent sans la présence du héros et que le narrateur ne prend pas du tout la peine d'aller voir ce qu'il se passe, les faits étant rapportés à Nat par le biais de personnages secondaires sans nécessairement entretenir le suspens grâce à son absence. Pourquoi donc le narrateur décide d'éclipser Nathan, comme s'il s'était retrouvé "obligé" de porter le regard ailleurs pour que le récit continue ? Pourquoi changer de focalisation en plein récit alors qu'on nous a habitué au contraire ? En fait, j'ai eu l'impression qu'une rustine a été collée sur le storyboard pour faire tenir la structure, et que faute de mieux cette rustine s'est transformée en vrai chapitre tampon. Du coup, la narration perd beaucoup de sa crédibilité. A mon sens, ou l'auteur devait choisir de se focaliser sur Nathan d'un bout à l'autre, ou il décidait de prendre un point de vue omniscient réellement non focalisé en offrant aux autres personnages un "temps d'existence" plus grand.


Et c'est dommage car justement depuis le début on nous montre plusieurs personnages qu'il aurait été vraiment très intéressant de suivre de plus près. Pour ne citer que les plus importants, parmi les "méchants" : Kodkine le commandant, Thal le lieutenant plein d'état d'âme et Hammond le sergent plein d'ambition, et parmi les "gentils" : Andréis la brute indépendantiste et Miller le gouverneur charismatique... Bref, tout le récit aurait pu être facilement amélioré par l'apport de leur point de vue, de leurs motivations et leurs émotions dès le départ, en justifiant leur choix donc en leur donnant plus de profondeur (en évitant le côté caricatural de Kodkine et son équipage), accentuant l'intrigue et les différentes tensions entre eux.


Dernier point à relever : le manque d'information sur l’acclimatation des colons à la planète. Car ne l'oublions pas, le sujet de base c'est la colonisation d'une nouvelle planète avec de nouvelles habitudes de vie, etc... Mais l'auteur ne s'intéresse presque pas à ce sujet et s'en tient au strict minimum, ne parlant que très succinctement des espèces vivantes, de la durée des jours et des années, de tout ce qui est lié à l'adaptation des colons sur leur nouvelle planète. Au lieu de cela, l'auteur se concentre sur le conflit humain qu'il n'étoffe pas (comme je viens de le dire plus haut). C'est dommage.


Bref, le récit est bancal sur plusieurs aspect mais n'est pas véritablement raté pour autant. Il n'est peut être pas toujours très rigoureux dans son fond ou dans sa forme (ce qui rebutera les lecteurs exigeants), mais il n'en est pas moins facile et agréable à lire. Sans être spectaculaire, précis ni particulièrement subtil, il arrive tout de même à garder suffisamment de tension dans son intrigue pour ne pas perdre ni ennuyer le lecteur lambda. De ce point de vue, je dirais que l'oeuvre est correcte, ce qui lui vaut un 6.


//////////////////////////////////////////// Edit 1 >


[Tome 2]


L'histoire en quelques mots :
300 ans après le tome 1, il s'agit de la quête de deux personnages. Celle du Duc d'Argyll tout d'abord, personnage multimilliardaire qui grâce aux recherches de Simonson, un scientifique qui réussira à canaliser le pouvoir d'un insecte récupéré de la Beta IV Hydri, partira à la conquête de la planète pour dominer tout ce qui peut l'être. D'un autre côté, on suivre le destin d'Hélissa, petite enfant esclave qui suivra le chemin improbable qu'une vision onirique lui a montré.


Au delà de la narration focalisée sur deux personnages, ce tome est lui-même divisé en deux parties. 1e partie, les préparatifs du grand voyage de la Terre jusqu'à Beta IV, avec toutes les intrigues qu'ils comportent. En effet, Argyll sera confronté à son plus terrible adversaire, Von Kaiserslautern, pour pouvoir quitter la Terre dans de bonnes conditions, pendant que Helissa tente de s'extirper de sa situation d'esclave. 2e partie, le conflit entre Argyll et les colons de Beta IV, eux même divisés en trois groupes : les prêtres du Temple des Insectes, les nomades sanguinaires et les montagnards hyppie baba cool. Ces trois groupes rappellent d'ailleurs fortement les trois premiers du tome 1, respectivement les disciples de Wowocka, les membres de l'équipage et les colons du vaisseau.


Autant vous dire tout de suite, ce tome ne passe pas, mais vraiment pas du tout.


Déjà la division en deux tomes ne colle pas, pour la simple et bonne raison que la quatrième de couverture nous laisse clairement supposer que le voyage sur Beta IV aura lieu avec ou sans l'intrigue de la 1e partie, à moins d'un monstrueux twist qui évidement n'arrivera pas. Enfin, à l'heure où j'écris cette critique du tome 2, je n'ai pas fini le tome 3 et on ne sait jamais, une surprise (à laquelle je ne crois pas un instant) peut toujours arriver. Donc à priori, la 1e partie est inutile.


Pourquoi cette division en deux parties ? A l'époque de la 1e édition en 1989 dans la collection Anticipation (très populaire en France pendant de longues années), cette 1e partie était un livre à part entière. Et je me dis : "les pauvres âmes blessées qui ont lu ce livre seul, quelle tristesse !". Parce que cette partie est presque vide et frôle l'absurdité totale. L'intrigue qui oppose Argyll à Van Truc s'avère tout à fait futile puisqu'elle n'engendre strictement rien d'imprévu à termes.


Pour ceux que ça intéresse, voici un spoil en bonne et due forme de l'intrigue :


Sur Terre, Argyll vient de découvrir la puissance d'un seul insecte, et décide d'aller conquérir Beta IV pour ensuite dominer tout ce qui peut l'être, ici, là-bas ou ailleurs. Etant multimilliardaire et possesseur de la vieillissante ACS (Agence pour la Colonisation Spatiale, notons l'effort pour trouver un acronyme original de la part de l'auteur), il monte un plan pour réhabiliter les anciens vaisseaux de colonisation. Mais ayant besoin de plus d'argent, il lui faut vendre tout ce qu'il possède, car un vaisseau spatial c'est très cher même pour un milliardaire, et il y a en 12 ou 13 à préparer. Il va donc voir son ennemi juré, Van Truc (le seul milliardaire plus riche et puissant que lui) en lui proposant que ce dernier lui rachète toutes ses parts. Van Truc deviendrait alors littéralement le maître de ce qu'on appelle le "Monde Libre" - l'autre nom du peuple terrien, qui au passage semble vivre en total esclavage plus qu'en total liberté, j'y reviendrai plus tard. Mais pour Argyll, tout ceci n'est possible qu'à une seule condition : que Van Truc accepte de donner à Argyll la main de sa ravissante fille Antonia, parce qu'elle est très belle et que sinon, il n'y aurait pas d'intrigue. C'est le script qui le veut, vous le comprendrez plus tard lors du démontage de l'intrigue. Elle partirait donc avec Argyll sur Beta IV, quittant la Terre définitivement car le voyage est un aller simple. Van Truc accepte le deal et fait en sorte qu'Argyll et Antonia se marient d'abord (pour valider le deal de la vente des concessions) puis pousse Antonia à fomenter un complot pour tuer Argyll juste avant qu'ils n'engagent le vaisseau dans le voyage, en soudoyant une partie des futurs colons pour faire une mutinerie dans ce même vaisseau quelques instants avant le départ (décidément ces cons de colons, ils n'en font qu'à leurs têtes, c'était déjà pareil dans le tome 1). Ainsi, Antonia pourrait revenir sur Terre avant que le voyage n'ait lieu, et son père et elle seraient alors les MAITRES DU MONNNNNDE LIIIIIIIIIBRE !


Alors je ne sais pas pour vous, mais si on m'avait présenter les choses comme ça avant la lecture, je crois que j'aurais laisser tomber. Parce que l'histoire du mariage, ça pue l'intrigue à deux sous. Et comme je le disais plus haut, tout ceci n'aboutira strictement à rien qui change la donne, les deux personnages principaux étant fabriquer en carton-pâte.


Voici donc le démontage qui révèle la mécanique branlante :


Pour commencer, Van Truc n'a qu'une seule héritière et n'a donc aucune raison de la laisser partir à jamais sur une autre planète. Donc pour Argyll, se marier avec elle revient à prendre le très très gros risque de mettre les pieds dans une merde pas possible tout à fait gratuitement, à moins qu'il n'ait une idée de génie derrière la tête. Et ça tombe bien, Argyll est plutôt présenté comme un petit génie. Alors on se dit "Argyll veut se marier avec Antonia car il a un truc derrière la tête, suspens...". Sinon, sans plan précis, pourquoi abuser de la soi-disant "hospitalité" de ton meilleur ennemi, quand tu sais que la seule chose qu'il souhaite c'est te ruiner ? Et comme on peut s'y attendre, la famille Van Truc monte un complot contre Argyll. Ce même complot qu'il ne cessera de pressentir car il a une intuition sur-développée - dixit l'auteur moultes fois - mais qu'il n'arrivera jamais à définir clairement, parce qu'il se convainc qu'Antonia est loyale, parce qu'il tombe amoureux d'elle, passé seulement deux entrevues avec elle. Oui oui, deux entrevues seulement. A ce moment, on comprend surtout qu'Argyll n'avait strictement aucun idée concrète derrière la tête en demandant le mariage, aucun plan particulier la concernant, et qu'il a donc fait ça juste pour le fun. Voilà pour les motivations d'un homme sensé être proche du pouvoir absolu sur Terre, doté d'une intelligence certaine et plus encore d'une intuition hors du commun. Bravo le personnage à deux balles qui ne tient pas la route.


Le summum de la futilité arrive vers la fin de cette première partie, quand Antonia, ayant échoué à faire tuer Argyll mais sans se compromettre dans l'affaire, comprend surtout que celui-ci était sincère en lui proposant réellement d'acquérir le pouvoir des insectes, richesse bien supérieure à ce qu'elle aurait jamais pu trouver sur Terre. A ce stade, n'importe qui se serait dit "Roh le con, non seulement il a déjoué mon plan avec une force hors du commun sans même comprendre que j'en étais l'instigatrice (on a déjà parlé de sa fabuleuse intuition...), mais en plus il ne s'est pas foutu de ma gueule un seul instant, il m'offre réellement d'être Reine de Beta IV". Autrement dit "j'ai foiré mon plan mais j'ai quand même tout gagné, ce type est un génie doublé d'un con, et en plus il peut encore m'être utile car j'ai sa confiance, le top !". Mais Antonia, elle, préférera se dire "je veux le tuer, point". Sachant qu'elle recherche le pouvoir par dessus tout (quitte à trahir son propre père parce que oui, elle l'aurait fait si elle avait pu, c'est écrit dans le texte), sachant qu'elle vient d'obtenir ce pouvoir grâce à Argyll et qu'elle ne semble pas le moins du monde incommodée par sa présence et son mariage avec lui, sachant qu'elle vient d'éviter une compromission dans le complot et le meurtre qu'elle a commandité, sachant donc que malgré cela il a toujours confiance en elle, elle ne se dit pas "je vais raser les murs quelques temps pour me mettre au vert", elle se dit "A mort Argyll". Desolé, mais je ne vois vraiment pas la finalité d'un tel comportement, surtout si c'est pour prendre le risque de tout faire capoter alors que la chance lui sourit, bien malgré elle d'ailleurs. Capotage qu'elle provoquera effectivement au début de la deuxième partie et qu'elle le paiera de sa vie. Au final, Argyll atterrira sur Beta IV comme si Antonia n'avait jamais existé, et la mutinerie sur le vaisseau aurait très bien pu trouver une tout autre origine que ce mariage stupide (par exemple, un conflit entre colon et équipage comme dans le tome 1, ça aurait au moins pu faire sens, enfin si l'auteur avait souhaiter en donner un).


Mais c'est quoi ce personnage de merde d'Antonia ! Sans déconner, attends donc d'être arriver sur cette putain de planète, pauvre cruche ! Si t'étais si intelligente et machiavélique que ça, ma chère Antonia, vu qu'Argyll, au sommet de sa capacité intuitive -rappelons-le car l'auteur ne se prive pas de le dire-, vu qu'Argyll donc n'avait pas compris que tu étais au cœur du complot contre lui, tu aurais laissé couler l'affaire en douce, tranquille émile, juste le temps qu'Argyll t'installe officiellement sur le trône (déjà pour t'assurer qu'il était vraiment capable de l'avoir ce trône, hein, parce que vendre la peau de l'ours avant d'avoir trouver un acheteur, ça se fait pas), et là PAF, Caramba ! Ni vue ni connue, Argyll je te bute et je prends le pouvoir ! Gros twist dans ta face de lecteur, c'est pas Argyll qui aurait imposer sur Beta IV sa volonté d'industrialisation avec son faux semblant de considération pour les nouveaux colons, mais bien l’archétype de la femme vénale qui aurait compris l'intérêt de rester sur cette planète en calmant le jeu pour assurer son nouveau pouvoir. Ca, c'est du vrai twist qui déboîte, bon sang de bonsoir, et toi Passegué tu avais tout en main pour le réaliser !!! Peut-être même qu'Antonia aura pu devenir un personnage sympa, du moins aurait-il été intéressant. M'enfin bon, on va dire que les méchants doivent forcément être très méchants et surtout très très bête, un peu comme le commandant Kodkine qui se transforme en dictateur dans le tome 1, vous me direz...


Et puis il y a l'autre moitié de l'intrigue, du côté d'Hélissa, intrigue qui ne laisse pas de place au doute une seule seconde : elle est systématiquement aidée par un Deus Ex Machina, et ce dès le départ. A cause de cela, je ne prendrais même pas la peine de mettre un spoil tellement la situation est convenue et inintéressante :


L'enfant noire, pour reprendre le terme suriné par l'auteur (à croire qu'il a un problème avec les couleurs de peau lui, sans déconner c'en est flippant), ne fait rien d'autre que suivre la voix que son dieu incarné lui montre. Elle n'aura un rôle à jouer que dans la 2e partie, et encore à ce moment, elle ne fera que subir la situation. Hélissa est donc un personnage pantin d'un bout à l'autre. Impossible d'éprouver la moindre compassion pour elle tant elle est neutre. Aucune décision importante de sa part, aucun mouvement narratif dans le récit sur son personnage (c'est son dieu qui la pousse, jamais elle qui décide). Un véritable pantin dénué de toute vie. Ha si, un parallèle : Argyll qui est riche et Hélissa qui est pauvre. Le thème ? heu.... tu en demandes trop là... Argyll est riche et Hélissa est pauvre, et ils vont se retrouver ensemble, point. Rouage de l'histoire ? Elle n'aime pas trop les hommes riches et vieux (il a 70 ans, quand même) et lui aime bien les belles femmes mais il se la pète un peu et quand une femme lui résiste, soit il lui file un diadème d'insecte hyper puissant, soit il l'enferme dans un cryogénisateur. Il est comme ça Argylll, à 70 ans il ne tergiverse plus, c'est l'un ou l'autre. Et puis il va mourir alors qu'elle, sa beauté va rester figée dans le marbre, c'est beau non ? C'est l'amour impossible, c'est ça le thème. Ca fait une histoire ça, non ? Non, vraiment vous êtes surs ? Bon ben... non alors...


Bref, l'intrigue est nulle et le travail sur les personnages bâclé. Mais n'allez pas croire que c'est le seul problème. Non, les erreurs ne s'arrêtent pas là !


Je constate par exemple un gros manque d'imagination chez l'auteur pour nous convaincre que son univers existe : il n'est pas fichu d'inventer des termes ou mots techniques qui sonnent vrais, futuristes, immersifs. Chez lui, la solution pour créer un terme nouveau est très simple : prenez un verbe, trouvez lui un substantif ou, à défaut, son participe présent, mettez la majuscule si vous voulez marquer le coup, et hop vous avez un nouveau mot très original très convainquant.


Allez, je vous propose un petit jeu en quatre étapes :



  • Un appareil pour te localiser sur le sol depuis un satellite, c'est un... Un GPS ? Mais non, ça n'existait pas en 1989 !


C'est un localisateur, du verbe localiser !
On aurait pu inventé un Système de Localisation Espace-Sol, ça aurait donnée l'acronyme SLES, ou Sysloc, ou que sais-je encore... mais Passegué non, il choisit "localisateur". Mouai...



  • Un appareil pour communiquer c'est un...
    Un téléphone cellulaire ? Un smartphone ? Un minitel ? Un quoi... un satcom à faisceau étroit ? Holà, vous avez trop lu Hypérion de Dan Simmons, vous !

    C'est un communicateur, du verbe communiquer ! J'ai pourtant énoncé les règles au départ et l'intitulé" est "Un appareil pour communiquer"... c'est un communicateur enfin, faites un effort, quand même !



Attention, level up :



  • Un type qui possède des parts de marché, des entreprises, des employés, bref de la richesse, c'est un...
    Un magnat ? Un homme d'affaire ? Un président ? Un banquier ? Un riche ? ... Un Archibald Campbell, duc d'Argyll ? Et non, rien de tout ça !

    C'est un Possédant, puisqu'il possède des choses, du verbe posséder, du latin Possidere. Avec une majuscule pour la fonction, vous voyez ? Argyll a beau être un duc, il est surtout un Possédant. C'est logique non, si vous vous appeliez Archibald Campbell et que vous aviez la possibilité de vous faire titrer Duc d'Argyll ou Possédant, y'a pas photo non ? Possédant, c'est quand même la classe. Van Truc pareil, l'ennemi d'Argyll, ce type n'est pas président, banquier, magnat, c'est un Possédant. La classe, pour les types les plus puissants du monde !



Allez, une dernière :



  • Un type qui dépend d'un Possédant, c'est un...
    allez... non pas un Dépendeur, mais vous chauffez...

    C'est un Dépendant, bravo ! Parce que sur Terre, on prend les esclaves tellement pour des cons qu'on s'autorise à mettre une majuscule sur leur soi-disant fonction, histoire de bien leur rappeler à quel point leur titre est une grossière enculade à leur condition d'être humain. C'est ça, la force du peuple terrien, c'est ça le Monde Libre. Youpi !!!!



Bon ben désolé, mais vous venez de rater la compétence "trouver des mots qui tuent" dans la branche "imagination de ouf" de votre arbre de compétence "être un putain d'écrivain qui déchire".


Non mais là comme ça je blague, je suis acerbe, je taquine, mais en vrai je ne rigole pas : ces termes Possédants et Dépendants sont vraiment présents tout au long du livre, et pour apparaître autant de fois dans le texte, je ne vois pas comment l'auteur ne peut pas être lui-même persuadé que ça donnerait du style, que ça participerait à l'immersion. C'est vraiment dingue, d'en arriver là !


Petite parenthèse... Les plus malins ou les plus intuitifs d'entre vous se diront : "Mais alors, la hiérarchie basée sur le principe Possédant/Dépendant sur Terre (ou plus simplement Maître/Esclave hein, faut pas se le cacher), c'est ce modèle sociétal qu'ils ont voulu reproduire 300 ans plus tôt lors de la 1e colonisation sur Beta IV (le 1e tome) ? C'est pour ça que les colons n'aimaient pas l'équipage, qui pourtant n'avait rien de "Possédant", à part peut-être le commandant Kodkine ?" Ha ben non, me dit ma mémoire, la notion de Possédant/Dépendant n'a jamais été évoqué lors du tome 1.


Je pose cette remarque parce que Kodkine, à au moins une reprise dans le tome 1, dit à peu de chose près "Nous sommes un avant-poste de la Terre, nous cherchons à copier son modèle ici, nous la représentons en ce monde". Pourtant à ce stade, aucun personnage ne parle de Possédant ni de Dépendant. Serait-il possible que le modèle sociétal terrien ait complètement changé entre le tome 1 et le 2 ? Est-ce lié au fait que l'insecte dans son diadème n'a été trouvé qu'au bout de 300 ans sur Terre (dixit le tome 2) et pas au bout de 70 ans seulement, temps d'aller-retour entre la terre et Beta IV ? Compte tenu que Beta IV fait partie des étoiles proches de la Terre et que les autres plans de colonisation de l'ACS ont probablement duré beaucoup plus longtemps, pourquoi le diadème n'a-t-il pas été une révélation lors de son arrivée sur Terre ? Qu'a-t-il pu se passer sur Terre pour que l'ACS perde tout crédit (au propre comme au figuré), non pas en 300 ans comme c'est raconté dans le tome 2, mais plus vraisemblablement en 70 ans seulement ? Bon sang, Maître Passegué, as-tu réfléchi à la cohérence de ton histoire avant de l'écrire ?


Autre question :
Doit-on faire ce lien entre les trois groupes du tome 1 et les trois du tome 2. Parce que pour les disciples de Wowocka (tome 1), il est évident qu'ils ont formé l'Ordre du Temple des Insectes (tome 2). Mais les autres ? Les colons sont-ils vraiment devenus les montagnards baba cool, et les soldats de l'équipage des nomades sanguinaires ? Si oui, comment et pourquoi ? Qu'ont-ils tiré de leur passé ?


Trop de question, bien trop de question...on n'aura aucune réponse.


Ha mes braves ! Si ça pouvait s'arrêter là.... malheureusement il y a encore à dire...


Pour continuer...
Il y a ces mots qui manquent ou se transforment dans le texte. Pouf pouf, ils disparaissent. Hops, ils ne sont plus les mêmes! En général, des conjonctions ou d'autres petits mots de liaison, rien de méchant à priori. Sauf que le problème ne se pose pas juste une fois ou deux... non il y en a toutes les 10 pages, peut-être plus ! "Hé les gars, y'en a pas un qui a relu la bête avant de cliquer sur Imprimer ?". C'est vraiment, mais vraiment un travail d'édition de m***e.


Mais encore...
Le sur-découpage en micro chapitre est totalement abusé ! Il n'est pas rare de lire un chapitre entier de 2 ou 3 pages seulement où il ne se passe rien, ne décrivant que des trucs qu'on savait déjà plus ou moins. Un sommet de foutage de gueule est atteint quand deux scènes liées l'une et l'autre (car vécues toutes deux par les mêmes personnages dans le même lieu et proches de quelques dizaines de minutes à peine dans le récit) sont coupées en deux chapitres de trois pages chacun. L'abus total ! J'ignore à qui va la faute, de l'auteur ou de l'éditeur, mais on sent vraiment que les scènes ont été découpées pour rajouter des espaces vides et imprimer un livre plus épais, genre "c'est un ouvrage sérieux quoi, tu vois bien, il est épais, achète-le !". Je me suis fait avoir, j'avoue.


Pour finir, je pointe aussi du doigt un problème que j'avais subodoré dans le tome 1 et qui s'affirme dans le tome 2 : la faiblesse du récit dans sa description et sa capacité d'évocation, autant pour l'environnement que pour les émotions des personnages, en fait pour tout ce qui plante le décors "intérieur et extérieur" d'une scène, son ambiance, sa matière. Il semble que Passegué fait ici l'erreur du "raconter sans montrer". En effet, je ressens une vraie problématique à ce sujet, notamment lorsque je me rends compte qu'une scène importante vient de passer comme un simple script : je sais précisément ce qu'il s'est passé, mais je n'ai pas souvenir d'avoir ressenti quoi que ce soit, ni pour un personnage ni pour un autre, ni même si l'environnement a joué un rôle. On survole les lieux, les événements et les émotions, et ça c'est moche, très moche. Et la découpe en micro chapitre accentue encore cet effet de survol.


Si vous relisez la partie juste après le spoil de ma critique, vous constaterez que je parle indirectement de ce problème "raconter/montrer" lorsque j'écris "Cette même embrouille qu'Argyll ne cesse de ressentir car il a une intuition sur-développée - dixit l'auteur - mais qu'il n'arrivera jamais à définir". En fait, Passegué va jusqu'à pousser le problème à son extrême, à savoir qu'il parle d'une capacité spécifique du personnage principal (l'intuition), il insiste vraiment dessus sans réellement montrer cette capacité à l'oeuvre (tout juste une fois de manière très succincte, face à la prêtresse), et au final il nous montre surtout en quoi cette intuition lui fera défaut à deux reprises : ne pas avoir deviné les plans d'Antonia, et ne pas avoir deviné les plans de Simonson. Résumé : l'auteur nous dit quelque chose et nous montre le contraire par deux fois. Erreur de noob, mon cher Passegué !


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[Tome 3]


Sachez que ce tome est à nouveau divisé en deux parties. La première parle d'Alia, la fille du Protecteur, l'homme au diadème d'insecte, qui va devoir se surpasser pour conserver l'héritage de son père face à l'envahisseur terrien. La deuxième partie rapportera des faits de loin postérieurs à la 1e partie et concernant l'ultime plan du Dieu du Delta dans lequel Nathan (le héro du tout début) retrouve un rôle prépondérant.


Cette fois-ci, je ne perdrais pas trop de temps à déconstruire tome 3 comme je l'ai fait pour le tome 2. Je vais allez à l'essentiel sur la trilogie, ce qui ne m'empêchera pas d'être sévère.


Les erreurs du texte :
Les mots se transforment ou manquent, carrément (de "dans" à "sans", de "du" à "de le", de "du" à rien du tout). Le top que j'ai noté : un type entre dans une tente, et après une petite discussion avec un autre type il ressort d'un temple, pas d'une tente. La scène suivante montrera qu'il n'y a pas eu fracture spatio-temporelle, mais "juste" une erreur dans un mot. Alors dit comme ça, ça parait con, mais sachez que ce genre d'erreur se répète beaucoup trop fréquemment dans tout le cycle pour être oubliée ni même pardonnée. Ce n'est pas acceptable, tout simplement.


Les expressions bidons, mal formées, mal venues ou peu compréhensible. Par exemple : "courber le genoux", savant mélange de "ployer le genoux" et "courber l'échine". Je n'ai retenu que celle-ci mais une fois de plus, il y a en a trop pour être pardonné.


Le sur-découpage des chapitres :
Sur ce point, j'ai vraiment l'impression de m'être fait pigeonner. Si on retirait toutes les pages blanches véritablement inutile, on perdrait à vue d’œil 10 à 15% du nombre de pages sur chaque tome.


La narration : totalement branlante à plusieurs niveaux.


Le narrateur n'arrive pas à se distancier de son héros. Il l'appelle par son surnom comme si c'était son pote, semblant se matérialiser à ses côtés. Nat pour Nathan au départ, Cal pour Calvin vers la fin. Entre les deux, Archibald Campbell, Duc d'Argyll (tome 2), l'un des personnages les plus puissants de la Terre au moment du récit, lui aussi aime à se faire nommer simplement Argyll, y compris dans l'exercice de ces fonctions (Possédant, Duc et Amiral, rappelons-le). Mais Argyll ça passe avec tout le monde, genre tout le monde est son pote, comme avec Nat et Cal, normal quoi !


Si ce rapprochement ne s'était produit que pour un seul personnage de passage, cela aurait pu rester anecdotique et passer inaperçu. Dans le cas contraire, si ce sentiment de proximité avait pu être partagé à 100% par le lecteur, avec un vrai travail sur l'identification, ça aurait pu marcher, ça aurait même pu être très prenant et immersif pour le lecteur. Mais ce n'est pas le cas du tout, loin s'en faut même. Le lecteur n'a en effet aucune raison de se sentir proche d'un amnésique surnommé Cal qui défend la veuve et l'orphelin sans savoir pourquoi, surtout quand la totalité des personnages sont à l'opposé du comportement "chevalier" sans aucune explication claire. Dans ce cas précis du récit (tome 3, 1e partie), on nage dans la caricature pure et dure (les gens sont mauvais, Moi le chevalier je suis bon), on nage dans l'artificialité la plus grossière pour nous faire avaler l'histoire du héros (Moi le chevalier je vais te sauver, je suis un pote du narrateur, donc du lecteur, qui kiffe ta beauté et ton pouvoir, t'inquiète tu vas voir, je vais te sauver, ça va déchirer !).


Le changement de focalisation de personnage y est en parti pour quelque chose dans ce problème de rapprochement. Dans le tome 1 j'avais trouvé cela très étrange, limite déplacé, quand on passe de Nathan à Kathy puis retour à Nathan, pour une raison qui m'a semblé très artificielle et très douteuse. Dans les autres tomes, je reconnais que ce problème n'est plus vraiment présent tel quel. Je dirais plutôt qu'il prend une autre forme. En effet, le narrateur se contente souvent de décrire dans les grandes lignes le caractère du personnage qu'il observe, son comportement, ses réactions, en effleurant de manière grossière ses reliefs, sans en détailler la texture, la granularité, la finesse. Il ne prend pas le temps d'entrer "dans" le personnage qu'il devrait analyser, en bon omniscient qu'il est et en fin narrateur qu'il pourrait être.


On touche là, à mon sens, au véritable problème de fond sur la narration de cette trilogie, c'est cette histoire qui ne "montre" pas mais "raconte" tout ce qui se passe. En effet, Passegué passe son temps à raconter sans jamais monter, et cela devient de plus en plus flagrant à mesure que l'on avance dans le récit.


Exemple 1 : "le vaisseau est colossal". A vous d'imaginer à quoi ressemble un vaisseau colossal car vous n'en saurez pas plus.


Exemple 2 : "une onde de choc gigantesque frappe le vaisseau, celui-ci vacille" Il vacille, c'est tout. Rien d'autre ? Les personnages à l'intérieur ? Aucun accident, pas de blessure, pas de malaise, vraiment rien à dire là dessus ? Mais si c'est gigantesque, il faut en parler, alors que si c'est juste un vacillement, pourquoi parler de ça ???? Faites un choix, Maître Passegué, ne restez pas entre les deux !


Parfois les scènes sont tellement décrites "dans les faits", sans aucune subjectivité de la part d'un personnage quel qu'il soit ou même du narrateur, qu'on se demande si quelque chose vient bien de se passer. Un personnage est là dans un bâtiment et dit une phrase choc, la ligne ou le paragraphe suivant il est déjà ailleurs dans un véhicule fonçant dans la nature, faisant ce qu'il vient de dire voire autre chose, et les autres personnages regardent sans comprendre, comme nous, lecteurs incrédules.


Conclusion :


Autant je comprends que ce genre de récit trouve sa place dans la fameuse collection Fleuve noire Anticipation, autant je ne comprends pas pourquoi une maison d'édition actuelle veut remettre ça sur le tapis.


Fleuve Noir Anticipation regroupait des auteurs de niveaux différents et il n'était pas rare de trouver des livres franchement mauvais à côté d'autres très sympas à lire (mon père en avait une petite collection, j'en ai profité à mon adolescence). J'ignore si le Dieu du Delta était considéré comme une merde ou un bon truc à l'époque, mais son mode de narration obsolète à l'heure actuelle et son édition misérable, que la qualité de la couverture n'arrive pas à sauver, n'en vaut certainement pas l'achat. A mon sens, il est bien plus préférable que vous chiniez dans les brocantes pour trouver ces vieux livres Anticipation de l'époque, vous aurez au moins deux satisfactions : celle d'avoir trouver une vieille saga old school, une vraie, et celle de ne pas avoir raquer 25€ pour cette bouse.


C'est comme si on cherchait à vous vendre un nanar même pas top au cinoche à 12€ la place plein pot, sous prétexte que l'affiche fais vibrer. Un nanar ça se prête, ça se vend pas. Critic Edition, bande d'enfoiré.

Oatagaok
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le 25 juin 2018

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