La Crise, ce terme un peu passe-partout pour désigner le gros merdier ambiant de nos civilisations, est partout. Mais en soit comment se traduit-elle au quotidien? Qu'est-ce qui se cache derrière ce terme venu d'on ne sait où, ces fermetures d'usines et ces employés en colères? C'est ce que Florence Aubenas, fraichement revenue d'Irak après un séjour "prolongé", nous propose de découvrir.

Mais plutôt qu'une étude purement statistique, agrémentée ça et là de quelques commentaires, Florence Aubenas va directement aller sur le terrain, en immersion totale et en parfaite inconnue. Son objectif : trouver un CDI, peu importe le temps que cela prendra. Ce livre retrace son périple jusqu'à [spoiler qui n'en est pas vraiment un] l'obtention de ce dernier.

Courageux ce livre l'est assurément. Loin des journalistes parisiens enfermés dans leur bulle, tous diplômés de grandes écoles et qui n'ont, pour la plupart, jamais eu a côtoyer le petit peuple, Aubenas nous offre une vraie leçon de journaliste, de ceux qui savent nous montrer la réalité, crade, directe et impitoyable.

En soit ce livre ne nous apprendra rien de particulier. Trouver un emploi est aujourd'hui impossible à moindre d'être pistonné, d'avoir un bac+7, 10 ans d'expérience, pas plus de 20 ans d'âge, et accepter d'être payé le SMIC (et encore...) tout en travaillant entre 40 et 50 heures par semaine. Et c'est pire lorsqu'on est une femme. Les horaires impossibles, les patrons qu'on aimerait coller contre un mur devant un peloton d'exécution, les galères pour boucler les fins de mois. La misère sociale aussi, omniprésente. Ces "petites gens" dont on sent la détresse, leur vision du monde qui ne se résume qu'à une centaine de kilomètres autour de leur "maison", ces existences d'esclaves dont beaucoup semblent s'en satisfaire... Mais dans quel monde vivons-nous? Mais je m'égare.

Le style de Florence Aubenas est clair et précis. Normal, après tout écrire est son boulot et elle a été formé à ça.

Pourtant un "je-ne-sais-quoi" me dérange. Ce n'est pas Florence Aubenas, pour laquelle j'ai un immense respect. Ce n'est pas son livre qui est particulièrement intéressant. Le problème est ailleurs. Peut être est-ce au niveau de sa "portée". "Le quai de Ouistreham", un coup d'épée dans l'eau? Ce n'est pas impossible. Car qui lira ce livre si ce n'est ceux qui ont les moyens de s'en payer? Le monde journalistique a salué ce livre, récompensé par plusieurs prix. C'est bien. Mais après? Car c'est l'impression que l'on a quand on referme ce livre. "Oui mais après?" Car si un journaliste du monde peut s'extasier devant un livre "poignant, d'une réalité insoutenable", les choses changeront-elles? Non. D'ailleurs ce livre a été publié il y a maintenant 3 ans. La Crise, cette ribaude infâme, traine toujours dans l'ombre. Le chômage augmente etc... Et on se dit que les femmes de Ouistreham doivent être encore plus dans la merde qu'il y a deux ans....

Hormis cela, "Le quai de Ouistreham" reste un très bon livre.

PS: ne le lisez pas si vous êtes déprimés. Il vous donnera davantage l'envie d'en finir avec la vie.
Haldir_
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu et bien rangés (ma bibliothèque)

Créée

le 14 janv. 2013

Critique lue 399 fois

2 j'aime

Haldir_

Écrit par

Critique lue 399 fois

2

D'autres avis sur Le Quai de Ouistreham

Le Quai de Ouistreham
DodieMars
9

La vraie vie des chômeurs, sans fioritures

Dans les médias, à la télé, on parle souvent de précarité. Mais décrite par ceux qui ne l'ont jamais vécu, cette précarité sonne faux, surtout lorsque nous, qui l'avons vécu, ne savons que trop ce...

le 10 août 2010

10 j'aime

Le Quai de Ouistreham
Chloé_Loud_amou
2

L'écriture du vide

Je me souviens du tapage médiatique quand ce livre est sorti. J'ai même été tentée de l'acheter. Je me souviens des éloges, de l'admiration qu'Aubenas à suscitée, elle qui a bravé les barrières...

le 30 août 2013

8 j'aime

1

Le Quai de Ouistreham
Leonor
9

La France d'en bas. Tout en bas.

J'ai toujours apprécié Florence Aubenas. Pas spécialement le personnage, apparemment très sympathique, mais la journaliste. Humaine, profondément humaine. Et la plume. Aussi humaine que celle qui la...

le 14 juin 2010

7 j'aime

Du même critique

Les Femmes s'emmerdent au lit
Haldir_
9

Post coitum animal triste... voire même avant

Les femmes s'emmerdent au lit... triste assertion et véritable casse-tête pour les hommes qui, élevés depuis une quarantaine d'années dans la volonté de faire plaisir à ces dames, s'évertuent à...

le 22 juil. 2015

23 j'aime

17

Commandos : Derrière les lignes ennemies
Haldir_
8

Dans c'temps là y'avait que des vrais mecs.

Non mais vraiment, faut-il argumenter pour dire qu'un jeu dont le but principal est de trancher des carotides "derrière les lignes ennemies" et de faire chier les nazis est juste un pur jeu? Je lui...

le 25 nov. 2012

14 j'aime

4

Les Grands Arrêts de la jurisprudence administrative
Haldir_
10

Critique de Les Grands Arrêts de la jurisprudence administrative par Haldir_

Bible du juriste, petit livre rouge (ou plutôt jaune oranger) des administrativistes, Graal des publicistes, le GAJA est au Droit ce que Tolkien est à la fantasy. Alors que chaque année, des milliers...

le 7 oct. 2012

14 j'aime

2