Ionesco était manifestement obnubilé par la question de la mort et de la vieillesse. Les Chaises, mettant en scène l'ultime réception, délirante autant que désespérée, organisée par deux vieillards gâteux en avait jusqu'alors été pour moi l'illustration la plus poignante. Le Roi se Meurt est en quelque sorte l'étape suivante et ultime du voyage : celle de la confrontation à la Mort. La trame de la pièce est d'ailleurs simple : Beranger Ier a régné avec insouciance sur un royaume florissant pendant des siècles, abandonnant les affaires du royales aux soins de sa première épouse, la stricte et rationnelle Marguerite et son cœur et son âme à la jeune Marie, sa deuxième épouse.(et favorite). Mais voilà qu'arrive par surprise (pour lui tout du moins) l'heure de sa mort. Mort annoncée dés les premières minutes par Marguerite (« Tu vas mourir dans une heure et demi. Tu vas mourir à la fin du spectacle »). Et que le monde, à l'image du roi se désagrège à vue d'œil au fil de la pièce.

Les tergiversations, les hésitations et les regrets du mourant, sont bien sûr centraux et enrobés d'un humour tout ionescien, qui en facilite la digestion sans en atténuer l'amertume. Attention cependant, chez Ionesco, humour ne rime pas toujours avec calembours et contresens car à l'exception de quelques sorties du garde et des évocations du royaume en ruine, on est plus proche du théâtre classique que du fond de commerce habituel de l'auteur.

De plus, ce n'est pas cet aspect de la pièce qui m'a par dessus tout marqué, mais plutôt l'idée, imposée comme une morale silencieuse, presque contre-intuitive mais finalement tellement vraie (elle me touche en tous cas pleinement), l'idée que la mort d'un homme est autant la disparition de sa personne du monde immuable qui en accueillera des milliards d'autres après lui que celle d'un univers particulier qui n'existait que pour lui seul et s'envolera avec son dernier souffle. Et chacun d'identifier ce roi décadent, ce royaume en décrépitude et ces tristes sujets à ceux qu'il entretient dans le secret de son esprit.
Samanuel
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le 27 déc. 2010

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