"141. Un homme, qui aimait à fouetter des femmes grosses sur le ventre, rectifie en attachant la fille grosse sur une roue, et dessous est fixée dans un fauteuil, sans en pouvoir bouger, la mère de cette fille, la bouche ouverte en l'air et obligée de recevoir dans sa bouche toutes les ordures qui découlent du cadavre, et l'enfant si elle en accouche".

Cette citation de l'ultime chapitre, est l'une des dix dernières passions des 120 journées de Sodome et, représente en l'état, les caractéristiques formelles et fondamentales de l'oeuvre à partir de la deuxième partie, entièrement rédigée sous forme de brouillon. C'est à dire, la passion d'un bougre, ou d'un instigateur, ou d'un abbé, ou d'une personne extrêmement aisée, numérotée, narrée par une femme de mauvaise vie réduite à l'état de lambeau, car c'est comme nos bourreaux les aiment, bien potelée mais dégoûtante, ou proche de l'état d'un cadavre en décomposition, c'est plus excitant pour nos libertins. La passion est numérotée et traitée à la va-vite. C'est un brouillon, de toute manière, une note qu'il faudra dûment compléter en l'agrémentant de détails à la précision clinique, chirurgicale, sidérante de distance dans le ton. (Mal)Heureusement, le lecteur n'y verra que les strasses.

C'est aussi pourquoi le premier chapitre occupe les 3/4 du livre. Il est très long, répétitif, divisé en journées (plus d'une trentaine), Pasolini reprendra d'ailleurs quelques unes des premières passions évoquées ici pour l'adaptation antifasciste Salo ou les 120 journées de Sodome. Ce chapitre (l'unique?) est d'ailleurs particulièrement dérangeant non pas à cause des atrocités décrites, Internet s'occupant de mettre en oeuvre ce que Sade décrivait/imaginait en 1785, mais bien par la manière dont elles sont décrites. Cette faculté à se souvenir du moindre personnage (pourtant très nombreux), de rappeler son nom et la taille de ses attributs, de souligner si les victimes sont "foutues en cuisse" ou "polluées", tel ou tel jour, à telle heure, et dans quel ordre. C'est d'un ennui fou mais le livre attise notre curiosité malsaine et nous questionne sur notre faculté à réagir face à l'inimaginable. Au cinéma, le film est intéressant non pas comme une adaptation de Sade, mais comme une oeuvre de Pasolini avec toutes les transgressions qu'on lui connait.

Il est difficile de noter pareille oeuvre, donc la note est de 5, par défaut.
XavierChan
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le 5 nov. 2013

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XavierChan

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