Le vieil Egushi, soixante-sept ans, pénètre pour la première fois dans un établissement un peu particulier. Moyennant finance, on permet à de vieux messieurs (des clients de tout repos) de s’endormir aux côtés de superbes jeunes filles nues et profondément endormies (d’un sommeil artificiel obtenu à l’aide d’une drogue puissante). L’hôtesse d’accueil le prévient : quoiqu’il puisse faire, la demoiselle ne se réveillera pas.
Egushi passera en tout cinq nuits dans cette chambre ornée de teintures cramoisies. Chaque fois la jeune fille sera différente. Chaque fois entièrement nue et chaque fois inconsciente de l’homme venant s’étendre près d’elle. Egushi regarde, Egushi admire, Egushi touche, caresse un peu, embrasse parfois mais ne franchit jamais la limite tacite. Une seule fois, lors de sa seconde visite, il a été tenté de braver l’interdit et de venger tous ces vieillards qui ont été raillés par cette jeunesse dévêtue, ridiculisés dans leur impuissance sénile. Lui, Egushi, va rétablir le rapport de force et faire son affaire à l’ingénue. Lui apprendre le respect dû à ses aînés. Mais à l’instant ultime, il est surpris de la trouver vierge. Attendri par cette juvénilité, honteux de son emportement, le soufflé retombe aussitôt.
Allongé, le vieil homme s’abîme alors dans sa contemplation qui déclenche des vagues de souvenirs plus ou moins lointains, plus ou moins enfouis. Il réfléchit ainsi à ce qu’a été sa vie. Sur les femmes qu’il a croisées, sur les rapports de tout ordre qui l’ont lié à elles. Sa mère qui fut la première, son épouse, ses trois filles maintenant mariées, ces maîtresses d’un soir ou deux. Sur l’horreur de la vieillesse, de l’inexorable décrépitude qui l’entraine lentement vers la mort.
Un texte poétique et empreint d’un érotisme certain. D’un érotisme dénué de toute obscénité, d’un érotisme merveilleux, grisant. Une très belle écriture que j’ai appréciée. Mais un certain ennui, une certaine langueur m’a pris à la moitié du livre, après la deuxième visite d’Eguhi aux belles endormies, et ne m’a plus quitté.
Un livre que je suis heureux d’avoir lu, de connaître, mais que je ne relirai probablement jamais. Un livre que je suis heureux d’avoir terminé.
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le 29 nov. 2013

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