Les Buddenbrook
8.1
Les Buddenbrook

livre de Thomas Mann (1901)

Je ne connaissais pas Thomas Mann et je réalise avec effroi que j'ai apparemment pas mal de retard à rattraper. Je pense que bouffer 750 pages de bouquin en moins de 48h est un témoignage suffisamment éloquent de mon appréciation du récit.

Je n'ai pas la chance de parler allemand, mais la traduction française des Buddenbrook est excellente et le récit se suit avec grand plaisir, bien que chargé de passages descriptifs aussi bien des personnages que de situations sociales - le roman est clairement empreint de naturalisme. Donc si ce n'est pas exactement votre came, je ne vous le conseillerais pas.

La narration se fait par successions de tableaux de famille, ellipses, gros plans sur tel ou tel événement ou tel et tel personnage, pour dresser la toile de la déchéance de cette famille allemande, qui passe d'un père qui répudie son fils aîné à cause d'un mauvais mariage, à un gamin artiste sans talent pour la négoce qui meurt prématurément. Il est d'ailleurs amusant de constater qu'au début du récit, la tablée des Buddenbrook évoque le sort d'une famille ruinée avant eux.

Mann parvient à peindre des personnages bien ancrés dans leur condition sociale, et pour lesquels tantôt on rit, tantôt on s'apitoie. Tout change autour d'eux, et les malheurs qui les frappe ne font pas dans la surenchère : il ne s'agit finalement pas tant du destin qui s'acharne que d'une simple succession de malchances, de maladresses et de conflits, parfois contrebalancés par des soubresauts de fortune qui finissent par s'étouffer.

Tony, le seul personnage présent du début à la fin du roman, est peut-être l'exemple le plus représentatif de la représentation des personnages du roman : entière dans son indignation, complète dans son orgueil, elle avale pourtant toutes les couleuvres que lui impose sa vie, pleure souvent, parle sans doute trop, mais encaisse du début à la fin. Parfois insupportable, parfois sympathique, humaine, tout bêtement. Et on pourra étendre ce jugement à quasiment tous les personnages sur lesquels Mann fait un zoom.

La narration est globalement externe - on passe parfois dans la tête d'un personnage - notamment dans les passages descriptifs, mais se teinte de piques d'ironie, avec parfois un soupçon de compassion. Les remarques en demi-teintes m'ont paru ressortir d'autant plus que le reste de la narration est neutre. L'exemple qui m'a sûrement fait le plus rire - avec une certaine gêne, finalement - est le passage où la pauvre Tony quitte son deuxième mari et refuse de répéter une injure que lui a lancé ce dernier. Il se passe quelque chose comme cinq à dix pages jusqu'à ce qu'on apprenne l'insulte en question, finalement pas si atroce que ça, mais certainement insupportable aux oreilles d'une femme de la stature d'Antonie Buddenbrook - ou plutôt, la stature à laquelle elle fut habituée étant enfant. Je ne sais pas si l'effet est voulu, mais je suis partie en rire nerveux.

Ce roman, j'y ai senti le marasme, l'auto-apitoiement de certains personnages, une certaine forme de fatalité dans l'ensemble : on nous promet une lente dégringolade, et c'est ce qu'on obtient, au travers d'un récit superbement équilibré.

Pour qui n'a pas peur de longs passages descriptifs, voire qui s'en délectent : à lire. Je n'ai aucune réserve sur le reste.
Karrie
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le 29 oct. 2013

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Karrie

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