Lucide :
Le discours initial (la première partie du livre) présente la vision d'un homme a la première personne qui s'est retiré dans "son sous-sol", il rumine mais il ne geint pas. Je l'ai trouvé d'une lucidité éclatante, noire aussi, mais convaincante.
Il me semble que le processus qui a acculé ce personnage au fond de son trou est l'absence du désir de vengeance. Vengeance porté par l'homme d'action spontanée (son anthitèse) comme l'oeuvre de la justice. Cet homme ne s'excuse rien, alors il amasse autour de lui "une sorte de fange mortifère, un genre de boue mal-odorante qui vient composer ses doutes, ses inquiétudes et , pour finir, les crachats que lui envoient les hommes d'action spontanées qui l'entourent gravement comme ses tyrans ou ses juges, le couvrent, riant à gorge déployée, de ridicule."
Dur. et pourtant, il en tire une satisfaction, "l'essence d'une jouissance bizarre" et cela est je crois en rapport à ce fameux mur, le mur des lois naturelles, le mur du 2+2=4, le mur contre lequel s'écrase l'homme d'action spontané qui se résigne, puisque son oeuvre de justice, sa vengeance, ne peut que s'y briser. De son sous-sol, Le discours de cet homme prend de la hauteur et semble survoler la "comédie humaine". L'homme qui ne s'excuse rien, l'homme du sous-sol, a cette liberté, disons cette volonté, de ne pas être fait de la substance de ceux qui se cognent sur le mur de la réalité, la substance des hommes d'action spontannée. Une volonté puissante certes, mais qui le force a ne plus agir.
ne plus agir :
L'homme du sous-sol nous délivre a la suite de son premier monologue, les carnet qui sont, les mémoires d’une époque où il arpentait encore la surface, parmi les hommes d'actions spontanées (surface couverte de neige mouillées) ; et nous le voyons alors stopper sa ronde, s’immobiliser dans la foule, et entamer sa descente, alors qu’autour de lui, Le monde s’amuse (ces anciens camarades de classes) ou espère (la jeune prostituée), subit (le valet) ou exerce un pouvoir (Le militaire qu’il tentera de frapper de l’épaule). Car L’homme du sous-sol est quelqu’un qui ne se soumet pas, qui ne se soumet à rien, (pas même au 2+2=4), alors il s’élève contre l’autre pour monter qui il est. C’est le chercheur d’une vérité qu’il veut faire éclater au grand jour, dont il se sert comme d’un miroir dresser sur le visage de l’autre, pour lui montrer son ricanement, son pouvoir pitoyable, sa beauté éphémère, sa lâcheté dans sa soumission.
Mais qu’a-t-il à gagner. ? Une honnêteté vis-à-vis de lu même, lui permettant de se libérer d’une vengeance personnelle quant à sa condition ? Au prix de la solitude et des ténèbres, a macérer dans la bile et avec son foie malade.
La toute fin du texte nous laisse avec cet homme qui en en est venu à descendre lui même, pour ainsi dire volontairement, mais non sans douleur les marches de son caveau, quittant la surface pour trouver le seul espace possible lui permettant d’exercer son art de la vérité. Heureusement (c'est la petite lumière dont je craignais l'absence), au-delà de la surface, un narrateur nous met en garde. Car bien que l’homme du sous-sol nous dit qu’il écrit en ces dernières pages la fin de son carnet, ce narrateur nous informe que « c’était plus fort que lui, il a continué… ».
J’ai compris cela comme une invitation à le laisser avec sa bile, le laisser tranquille tandis qu’il mange son propre foie, le lasser faire son travail de souris depuis son royaume de morts, ramassant les détritus de l’humanité, pour les concasser et faire éclater au grand jour toutes la misérable condition de notre existence. Il reste alors toute la tension de la lecture de ce texte, c'est a dire le questionnement qui émerge de cette lucidité écrasante face à l'envie de vivre.