"Tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or." !


Un éclair... puis la nuit !



Comment parler du recueil de poèmes français le plus célèbre de l'Histoire ?


La figure du poète maudit, Charles Baudelaire, oui Charles Baudelaire tout court pas besoin d'en ajouter, l'avalanche de critiques assassines à l'époque, les critiques positives qui peuvent se compter sur les doigts d'une seule main, le procès, la condamnation, la censure, le republication, les republications, la réhabilitation, le désir, l'amour-haine pour la Femme, l'indifférence pour elle à laquelle on ne croit pas soi-même, la décomposition, le sadisme que tout cela inspire et que l'on refoule plus ou moins dans les recoins les plus sombres de notre être.


Non, finalement, je vais faire dans la plus totale non-originalité. Un recueil de poèmes, c'est comme une visite au musée, on jette un coup d’œil rapide sur la plupart des œuvres sans chercher à s'y attarder, on regarde attentivement les toiles les plus célèbres et souvent on comprend l'admiration qu'elles déchaînent, et puis il y a de temps en temps une toile peu connue, mais sur laquelle on fixe notre regard plusieurs minutes pour savoir ce qui nous attire en elle. Toute cette jolie métaphore filée à deux balles pour introduire le fait que je vais faire un top 10 de mes poèmes préférés de ce monument :


Dix. "Causerie" : quand on vient tout juste après "L'Invitation au voyage", difficile de briller et de se faire remarquer. Et pourtant, je classerais ce poème parmi les toiles méconnues qui m'ont accroché. Ce poème, où un homme, se croyant devenu insensible par de trop nombreuses déconvenues sentimentales et par l'Expérience, découvre, avec un mélange d'horreur et de plaisir, que ce n'est pas le cas, est désespéré, cynique et touchant.


Neuf. "Les Promesses d'un visage" : ou comment décrire du haut jusqu'en bas, avec la plus grande flamboyance poétique, le corps de la femme. Je n'ai jamais vu une chatte racontée avec autant de beauté.


Huit. "Le Reniement de Saint-Pierre" : ou comment le poète attend bien tranquillement le dernier vers pour donner le coup de grâce au lecteur de la façon la plus foudroyante du monde.


Sept. "Au lecteur" : allez lecteur, ne sois pas hypocrite, avoue que tu as des pensées et des envies aussi crades que les miennes, ou comment annoncer en étant cinglant que l'on s'apprête à regarder un miroir des recoins les plus sombres et sordides de notre âme


Six. "Le Chat" (Viens, mon beau chat...) : les amoureux des chats ne resteront pas insensibles à ce poème, même si le propos final de celui-ci est un parallèle entre le félin et la féline femme.


Cinq. "A Celle qui était trop gaie" : cela commence comme un poème d'amour et se termine comme un poème de haine. La femme, celle qui fait que l'amour et la haine sont des frère et sœur très proches.


Quatre. "L'Albatros" : n'aurait-on pas ici la plus belle, la plus inspirée et la plus juste métaphore sur la figure du poète ? Ben, je crois que si.


Trois. "Une charogne" : je crois que je n'ai jamais autant ri à la lecture d'un poème. Quel esprit tordu de faire voir à sa compagne une charogne en décomposition... hahaha... et de décrire dans le menu détail les points communs entre les deux. Le rire est la politesse du désespoir. Tentative désespérée de désacraliser la chair ensorcelante de la femme. On sent le désespoir tapi au fond, mais on a envie que ce soit le rire qui domine.


Deux. "L'Invitation au voyage" : Déjà quel magnifique titre, et quel magnifique poème. Seul celui qui n'a jamais rêvé d'un ailleurs inaccessible au milieu du bruit et de la fureur peut rester insensible à cette symphonie envoûtante et apaisante. "Là, tout n'est qu'ordre et beauté, Luxe, calme et volupté".


Un. "A une passante" : là, on s'agenouille, on se signe et on ferme sa gueule. S'il ne devait qu'en rester un seul, ce serait celui-là. Le Chef d'oeuvre absolu. Ou comment celle qui aurait dû rester une passante dans la rue, une passante dans notre vie, celle qui aurait dû être une ombre sitôt vue sitôt oubliée, par un éclair foudroyant, juste par un éclair foudroyant, sans rien d'autre après, va marquer à jamais une vie. Je n'ai jamais vu autant d'émotion, de force, de vérité et de justesse. Celui ou celle qui n'a jamais vécu une expérience aussi forte, n'a d'abord pas vécu, puis ensuite doit absolument se jeter sur ces 14 vers pour le savoir, pour en avoir une idée véritable. C'est beau, c'est Baudelaire.

Plume231
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le 6 janv. 2019

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