Les Furtifs
7.2
Les Furtifs

livre de Alain Damasio (2019)

Voilà, l'attente aura été longue, et la lecture, même étalée sur plusieurs semaines aura paru bien courte. Evidemment, c'était excellent, pour plein de raisons mais en particulier pour cette plume incroyable, qui c'est vrai se/me perd un peu parfois, mais qui propose la plupart du temps de grands moments d'émotion, de poésie, de tension, de prises de conscience ou de claques conceptuelles. La Horde du Contrevent reste pour moi un sommet inattaqué/able, ms j'ai quand même passé un moment très fort avec ces Furtifs ! Merci Damasio, et rendez-vous dans... 15 ans..? snif


Certains lui reprochent une philosophie simpliste, un propos dépassé ou déjà déblayé par d'autres oeuvres récentes (Black Mirror en tête), des redites, une naïveté, un manichéisme exacerbé... Ce n'est pas complètement faux. Mais pour ma part, j'ai envie d'y voir un vœu pieux, une sorte de "Candide" du XXIe siècle, une fable dont les apparentes faiblesses sont en fait des stratagèmes habiles pour amener son auditoire là où l'auteur le veut, lentement mais surement (coucou Inception ? :P). Je mentirais si je disais que tout ça ne m'a pas dérangé (voir ci-dessous), mais pas au point de vraiment me gâcher le plaisir ou de me pousser à baisser sensiblement ma note. Ce roman m'a captivé et touché plus que la plupart de ceux que j'ai lus jusque là. Alors même si ce n'est pas une claque comme a pu l'être la Horde, j'en sors satisfait, comblé, et triste qu'il soit "déjà" fini.



Points positifs :



▲ Les concepts abordés, qui s'entremêlent avec le propos de fond, et jusque dans les moindres détails, donnant l'impression que tout est vrai, que les furtifs existent, que ce n'est pas un hasard (je veux aller à Moustrie-Sainte-Marie !). Le son, le mouvement, la Vie, le rythme, la trace, la vision, le langage...


▲ De vrais grands moments d'émotion et de poésie, et la plume de Damasio, toujours aussi sublime. Les langu(ag)es qui se mêlent, la ponctuation, les jeux de mots, les tournures, les figures de style, des enchaînements, de la mise en scène (première fois que je vois un fondu enchaîné textuel !)... C'est le seul auteur je crois à me faire lâcher des "wahou" après la lecture d'un passage ou d'une phrase. Du grand Art !


▲ Le propos visionnaire et le monde dépeint n'ont pas à rougir face aux grands noms de la SF dystopique d'anticipation du XXe siècle. Ça fait réfléchir, ça fait peur aussi un peu, ça chamboule notre regard sur le monde et notre quotidien... ms surtout ça donne du souffle, de l'élan, de l'en-vie. De s'ouvrir, de vivre, d'aimer, d'explorer, d'être plus qu'avoir. Être au monde plus qu'avoir le monde, au creux de sa main.


▲ 680 pages, mais on en veut encore, tant on ne se lasse pas de cet univers, de ces personnages, de ces concepts enivrants, sensoriels, communautaires, qui semblent manquer à notre quotidien, pourtant moins sombre que celui de ce 2041 mais qui en prend le chemin inéluctablement.



Points négatifs



▼ Des péripéties qui manquent un peu d'originalité et de variété (suite de luttes résistantes et rencontres). Creux de vague vers le 1/4 du livre, ms le reste défile avec passion.


▼ Quelques passages philosophiques et politiques un peu pompeux et intégrés de façon pas très subtile, idem pour quelques passages prétextes à la démonstration technique et au jeu linguistique et stylistique (quand forme>fond, bof)


▼ Je préfère le registre aventure/poésie de la Horde que la SF politique de ces Furtifs (mm s'il y aussi de la poésie)


▼ 680 pages, c'est long, mais c'est court : on sent que certains concepts ou pistes scénaristiques auraient pu être exploités davantage. J'irai pas jusqu'à dire que c'est bâclé (15 ans de boulot, lol), ms je reste un peu sur ma faim... (sur la fin, justement, un peu vite expédiée et moins touchante et épique que le reste). Un instant j'ai presque cru au prequel de la Horde (certains concepts proches)... Dommage :P


▼ L'anticonformisme et la Résistance idéalisés, "utopisés", mais en réalité on sait tous qu'aucune cause militante, aussi louable soit-elle, ne suffira à rassembler et faire cohabiter les populations et les sociétés dans la paix, l'unité, le respect, l'amour. Le propos perd ainsi en crédibilité, donc en impact.



Notes




  • les annotations de listes deviennent plus limitées en caractères, donc tant pis, je transforme mon commentaire en critique (en l'étoffant un peu). J'en garde la présentation abrégée avec +/-, c'est peu classieux, mais voilà. Merci SC, again. v_v (edit: feature corrigée ms je vais laisser ma critique comme ça)

  • si vous avez fini votre lecture, ptite remarque "amusante" :


Petite auto-congratulation, parce que je suis pas mécontent du titre de cette critique ^^. C'est un jeu de mot que je ne crois pas avoir vu dans le roman... et qui pourtant fait sens à plus d'un titre. Damasio, si vous avez besoin, faites-moi signe pour le prochain :P ^^

Exyt
8
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le 13 mai 2019

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