Méli-mélo de consciences et poésie arctique

1845, l'expédition Franklin, 129 hommes à la recherche du passage de Nord Ouest disparait dans les glaces. On retrouvera des traces des décennies plus tard. L'expédition, pris dans les glaces à été décimé par une intoxication au plomb lié aux conserve, le scorbutt, la faim....

Sur ce thème, Dan Simmons avait écrit Terreur un honnête page turner. William T. Vollman a des ambitions et un talent bien plus important que Dan Simmons, et produit un livre qui n'a absolument aucun rapport avec celui de Simmons, en dehors du sujet commun. Lire les 2 c'est d'ailleurs une expérience assez intéressante, tant les 2 livres sont différents.

Vollman nous raconte en fait 2 histoires.

Le livre mêle en effet 2 trames narratives. On commence avec l’histoire du Capitaine Subzero, un américain fasciné par l'Arctique, qui y fait plusieurs séjours et qui tombe amoureux d'une Inuits looseuse magnifique, Reepah

L'autre trame c'est la narration documentaire du périple de l'expédition Franklin entre 1845 et 1848. Récit qui repose sur les traces découvertes au fils des décennies et qui ont permis de retracer le destin de ces 130 hommes.

La force du livre repose sur l’enchevêtrement de ces 2 lignes et sur leur résonance mutuelle. Ou plutôt sur l’enchevêtrement de deux consciences.

Subzero est en quelque sorte la réincarnation de Franklin, il se souvient donc de l’expédition, de sa femme Lady Jane…. Franklin de son coté du temps, sait qu’il deviendra Subzero et est amoureux de Reepah . Ainsi que l’histoire d’amour entre Reepah et Subzero est perturbé par Lady Jane Franklin, la femme « historique » de Franklin.

L’auteur maintient ainsi tout au long du roman un certain flou sur la frontière entre les deux trames, les deux consciences. On passe régulièrement d’une incarnation à l’autre dans la même phrase. Les voix, les flux mentaux, les époques se répondent les uns les autres.

Au début on est décontenancé, on cherche a démêler les fils mais une fois que l’on se laisse porter par la phrase de Vollman plutôt que de vouloir séparer les 2 lignes narratives, la magie de la littérature opère. On est alors transporté par ce roman total. Total car Les fusils c’est un documentaire, une histoire d’amour, un récit de voyage aux descriptions splendides et glaçantes et la poésie des grands espaces propres aux auteurs américains, une charge politique…

Charge politique car Vollaman tisse une troisième trame tout au long du roman : un reportage sur le sort pathétiques des populations Inuits, dont la culture ancestrale a été détruite, en bonne partie par l’usage abusif des fusils qui donnent le titre du roman. On passe ainsi dans la même phrase du pont du Terror pris dans les glaces au salon d’un préfabriqué où des Inuits sniffent de la colle.

Roman ambitieux pas forcément facile à abordé mais pas forcément difficile à lire, Les fusils est un roman très immersif, magnifiquement écrit, centré sur l’humain malgré l’immensité et la magnificence du décor.

Je précise au cas où cela ne serait pas clair, Les fusils surclasse Terreur de très très loin, par le style, par le propos, par l'ambition...
Coriolano
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le 24 mars 2015

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