Tout commence par une défaite. Une défaite juridique qui concerne Michael Blomkvist. Ce journaliste de renom a fondé la revue Millenium qui sent le souffre pour tout ce qui touche de près ou de loin à l'économie. Il vient de perdre un procès capital contre un homme d'affaires qu'il accusait de corruption et de détournement de fonds publics. Bilan de l'opération : une amende sévère et une peine de prison ferme à effectuer dans l'année. Le coup est rude pour ce spécialiste du microcosme économique et financier qui perd ainsi beaucoup de sa crédibilité. Afin de ne pas entacher la réputation de Millenium, il va devoir s'éloigner quelques temps de la revue.

Vient ensuite un constat. Un constat d'échec pour Henrik Vanger. En effet, chaque année, pour son anniversaire, il reçoit un cadre contenant des fleurs séchées. Cela dure depuis quarante ans, depuis que sa nièce Harriet a disparue dans des circonstances bien étranges. La police a depuis longtemps cessé toute ses recherches, mais il en faut plus pour Henrik Vanger pour qu'il perde l'espoir de savoir ce qui s'est réellement passé lors de cette sinistre journée. En effet, l'enquête aurait due être simple car tout s'est passé sur la petite île dont la famille Vanger est propriétaire alors qu'elle était isolée du continent par le fait d'un grave accident survenu sur le pont unique qui la relie à la terre suédoise. Bien sûr, cela indique au minimum que le criminel est un membre de la famille Vanger.

Enfin un personnage étrange traverse cette histoire et va l'illuminer de sa présence. Il s'agit de Lisbeth Salandar, mi-punk mi-gothique cette jeune femme a déjà un lourd passif avec des problèmes familiaux particulièrement graves qui l'amenèrent à passer de famille d'accueil en famille d'accueil, de connaître la drogue et l'alcool et enfin tout ce carcan de procédures administratives de protection dans le cadre de sa tutelle. Cependant Lisbeth est douée, incontestablement douée quand il s'agit d'enquêter sur la personnalité de quelqu'un. Justement, la dernière investigation que lui a confiée son employeur, Milton Sécurité, concernait un certain Michael Blomkvist et était destinée à Dirch Frode, l'avocat et ami d'Henrik Vanger.

A partir de ces informations, Vanger va réussir à inviter Blomkvist sur l'île afin de se mettre au vert quelques temps et en profiter pour lui demander d'écrire une histoire de la famille Vanger. Mais cela n'est pas sa principale mission. En fait, il va devoir éclaircir les circonstances de la disparition d'Harriet. Pour cela il dispose de l'appui illimité de Vanger. Il découvrira bien des secrets de famille plus ou moins avouables et connaîtra bien des dangers lors de cette enquête hors du commun. Lisbeth Salander viendra finalement lui prêter main forte et ces deux-là vous s'avérer redoutables malgré les obstacles qui commencent à s'amonceler. Nous ne manquerons pas de retrouver ce duo de choc dans les deux volumes suivants de cette trilogie.

Premier tome de la trilogie Millenium, « Les hommes qui n'aimaient pas les femmes » est avant tout l'entrée en scène du duo Blomkvist-Salander qui a rendu célèbre le regretté Stieg Larsson. De sa connaissance des mouvements fascistes dans le monde, il aura su tirer parti en instillant dans son récit de nombreuses pistes familiales liées à ces activités politiques. Si l'histoire démarre – trop – lentement, et même si cela permet de mettre en place des personnages principaux d'une rare complexité et de bien cadrer l'ensemble, les errements dans le domaine économique et financier gâche beaucoup de l'intérêt qu'on peut porter à ce roman. Ce n'est qu'à partir de la page 298 que l'histoire s'emballe pour de bon et qu'on ne peut plus lâcher le livre tant qu'on n'aura pas découvert le surprenant et terrifiant secret de famille que dissimule cette disparition. C'est un peu dommage, mais ces développements plairont certainement à des lecteurs, mais, à mon sens, peu d'entre eux apprécieront.

De la Suède, nous n'avions qu'Abba, Ikea ou les tennismen Björn Borg et Mats Wilander. Mais il y a aussi le fameux syndrome de Stockholm, ce conditionnement particulier où les otages arrivent à prendre fait et cause pour leurs ravisseurs. N'est-ce pas cela le fond de l'affaire ? Car cet ouvrage traite également des violences, de toutes les violences faites aux femmes. Pas simplement les sévices sexuels, mais aussi la soumission, l'image figée qu'on leur étiquette dès la naissance et qui en fait de bonnes épouses et de bonnes mères sous peine d'être les dernières des salopes. Ces normes détestablement masculines qui poussent souvent les mâles à les frapper pour les faire rentrer dans un droit chemin qui n'a rien de valorisant. Cette acceptation par les femmes relève peut-être du syndrome. Mais d'autres résistent et sortent du rang, telle Lisbeth Salander dont le personnage complexe est appelé à être plus exploré dans les volumes suivants.

A la suite de cette lecture, j'ai avant tout envie de demander pardon à toutes les femmes pour ce monde qu'on devrait partager avec elles plutôt que de le leur imposer avec nos règles. C'est un roman remarquable, salvateur, éclairant dont je ne saurais trop conseiller la lecture. A des adultes plutôt. Décidément, avec Stieg Larsson, la Suède a gagné et perdu à la fois un grand écrivain de renommée internationale. En attendant de lire les deux volumes suivants, je vous souhaite une bonne découverte de ce roman inégalable.
Bobkill
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le 12 déc. 2010

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Bobkill

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