Lettres acides

Au collège et au lycée, on a des tonnes de romans à lire. Parfois on les apprécie, parfois on les déteste. Surtout les oeuvres classiques qui nous semblent tellement dépassées et ampoulées. Pourtant, il s'est passé comme un déclic pendant ce cours de Français de classe de première. Jamais alors je n'avais été aussi happée par une lecture obligatoire.

Les Liaisons dangereuses est un monument de la littérature française voire mondiale. Le fait est qu'on se prend très facilement au jeu en arrivant à douter de la prétendue fausseté de ce récit épistolaire. L'écriture est brillante, Cholerdos de Laclos a un don pour se mettre dans la peau de chacun de ses personnages. Au fil de la lecture, on oublie qu'il n'y a qu'un homme, qui plus est un militaire, derrière ses portraits de deux libertins, d'une jeune pucelle naïve, d'un jeune garçon mièvre, d'une vieille tante. Les personnalités et caractères sont brillamment retranscrits, les personnages nous agacent, nous passionnent et contentent nos pulsions de voyeurisme.
Ce que j'admire également, c'est la façon terriblement adroite dont Laclos bourre ses lettres fictives de double-sens invisibles à la première lecture (voire aux premières lectures). Le style et le niveau de langue sont ce qu'ils sont: surannés et délicieux. Il faut bien sûr un certain bagage culturel pour accéder pleinement à l'oeuvre mais je pense que ce n'est certainement pas à l'Art de se rabaisser à un niveau intérieur, c'est à nous de tout faire pour se mettre à la hauteur de ce qu'il propose.

Madame de Merteuil et le Vicomte de Valmont sont des personnages machiavéliques, sadiques et hautement sarcastiques. Ce ne sont cependant pas des protagonistes qui se bornent à une dimension. Au contraire même. C'est ainsi que Merteuil dévoile au fur et à mesure des échanges, sa partie fragile, son côté...féministe. Oui, féministe. Parlons encore du fait qu'un militaire du XVIIIème siècle ait pu faire preuve d'autant de clairvoyance sur la condition des femmes. Valmont est rusé, très rusé. C'est avec un plaisir coupable qu'on suit avec exaltation tous les stratagèmes qu'il met en oeuvre pour arriver à ses fins. Protagoniste anti-héros qui semble voir la société sans son joli fard poudré mais qui se complaît à jouer le jeu social...du moins en apparence.

Laclos ne cherche en aucun cas à justifier les actes odieux de Merteuil et Valmont, il détaille une critique sévèrement aiguë de la dépravation des moeurs sociétales: faux-semblants, préjugés, hypocrisie, sournoiserie, les 3 rôles imposés à la femme qui est soit prude, soit épouse, soit catin. C'est d'ailleurs pour cela que le récit est encore d'actualité, plus de 200 ans après sa publication.

Un génie littéraire que je relis encore et encore avec délice.