Il faut bien dire quelques mots ici, puisque ça n’a pas encore été fait. C’est bien compliqué avec le père Faulkner : le type va plus loin, c’est irrémédiable…

Si j’avais dû parler de mon rapport à l’eau, ç’eut été plié rapidos : je suis né en bord de mer, en Bretagne, où il faut être motivé ou gros pour se baigner sans accroc. L’apprentissage de la natation (et de la bicyclette, puisqu’il faut tout vous dire) ne fut pas sans bruit ni fureur : je ne sus nager correctement qu’à l’âge de 7, 8 ans peut-être.
Correctement… encore aujourd’hui, nager ne serait-ce que 100 mètres me prend bien 5 minutes, et il n’est pas exclu que je conclue l’effort d’une gerbe sur le rivage. Je nage donc parallèle au bord et pas trop loin, pour pouvoir le rallier plus facilement. Car revenir en planche, porté par les courants, est une entreprise longue et angoissante. Par vent de sud, c’est l’Irlande à coup sûr…
Mes parents ont tenu à ce que je fasse de la voile jusqu’à l’âge de 15 ans, malgré un incident qui vers les 11 ans failli me coûter la vie et traumatisa pour jamais mon rapport au bateau, et plus généralement à l’eau : harnaché à un trapèze de catamaran, il me fallut près d’une minute pour me détacher lors d’un dessalage, suffoquant et paniquant sous la voile de l'esquif.
Depuis, je dois dire que c’est mieux, même si je ne suis jamais aussi à l’aise qu’en cuisine à sentir les frémissements d’un bon pot-au-feu, (un poto-del-fuego, mes pérégrinations internétales m’apprennant qu’il s’agit du plat national espagnol), tu viens manger quand tu veux d’ailleurs.
De la viande qui cuit dans de l’eau : voilà le seul rapport que je saurai dresser sur la naissance dans cette vaine critique, qui n’en est pas une d’ailleurs, puisque j’ai mis 10 au bouquin…

Il me fallait l’avis d’une femme tout de même, car outre l’eau (Outreau, haha), c’est l’autre sujet central du roman. Je demandais donc à celle pour laquelle j’ai le plus d’estime en ce bas-monde (pas ma mère, elle aurait pris trop de temps à répondre, et ç’eut été bien trop fantasque), une interne en psychiatrie, son avis sur l’eau. Avec elle, je me dis, ça va dépoter dans les alambics. De garde la veille, elle avait regardé une rediffusion de « Rendez-vous en Terre inconnue » où était invitée la vétérinaire Muriel Robin (dont j’apprends qu’elle aurait été humoriste dans sa jeunesse), qui ne loupe pas une occasion pour toucher de la chatte. Voici sa réponse, tout empreinte d’hédonisme : « Les femmes himbas n’ont pas le droit de la toucher. Moi personnellement, j’aime bien aller à la mer. »

Rien que d’y penser, ça me scie : en 2 phrases, tout est dit, le choc des civilisations en prime. Plus fort, le rapport entre ces 2 phrase est sensiblement le même qu'entre "Les Palmiers Sauvages" et "Le Vieux Père". Mais là, j'extrapole grave, c'est même complètement délirant. N'empêche, la critique c'est son truc. L’autre jour, découvrant Joseph Turner, je lui demande ce qu’elle en pense : « C’est pluvieux », qu’elle me fait, très godardienne. Je défie quiconque de faire mieux.
Latrouille
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le 7 janv. 2014

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