Le Petit Prince voulait qu'on lui dessine un mouton, Brandon Tom le Bâtisseur qu'on lui confie la construction d'une cathédrale ! C'est le rêve de sa vie, lui qui est maçon, maître d'ouvrages, dans l'Angleterre du XIIème siècle. Une période peu joyeuse, marquée par un conflit autour de la couronne. Car, à la mort du roi Henri I, il n'y a pas d'héritier mâle. Et si le roi a demandé aux barons du royaume de soutenir l'accession au pouvoir de sa fille Maud (Mathilde l'Emperesse), certains vont préférer soutenir Stephen (Étienne de Blois).
Au milieu de cette guerre où aucun vainqueur n'apparaît, les hommes et les femmes doivent vivre, ainsi que leurs enfants. La famine frappe de nombreuses familles, dont celle de Tom - qui perdra sa femme (Agnès) alors que cette dernière donne la vie à leur 3ème enfant... qui est abandonné. Bien que Tom ne reste pas longtemps veuf (il se met en couple avec Ellen, une jeune femme mystérieuse vivant en hors-la-loi dans la forêt avec son fils Jack) l'alimentation continue à leur faire défaut. Par certains jeux de hasard la famille recomposée trouve dans la ville de Kingsbridge - tenue par le prieur Philip fraîchement "élu" - un lieu où vivre, manger à sa faim... et (re)construire une cathédrale !
Tout est pour le mieux ? Pas vraiment. Les luttes ne concernent pas que les puissants du royaume. Elles se déclinent au niveau local, pour venger un affront (les Hamleigh), progresser dans la hiérarchie de l'Eglise, obtenir les revenus nécessaires à l'entretien de son armée... Les revers de fortune et le déclassement, la misère sont une réalité pour nombre de personnages de cette époque. L'insécurité (économique, politique...), l'arbitraire frappent et les crises frumentaires ne sont jamais bien loin, avec des effets dévastateurs. Tous les personnages qui nous sont présentés suivront ainsi un itinéraire qui sera loin d'être tracé à l'avance.
Avec Les Piliers de la Terre, Ken Follet nous offre une Angleterre pauvre, minée par la faim, l'injustice, où la superstition et les malédictions se concrétisent, et où une poignée de personnages (fort bien développés quoique parfois un peu stéréotypés), vont voir leur destin se croiser et se resserrer, au point de les unir... pour le meilleur et pour le pire. L'amour est là oui, mais aussi la haine, la mort, la souffrance. Qui l'emportera dans ce tumulte ? Rien n'est joué à l'avance.
On se retrouve ainsi immergé dans le récit, ressentant les recherches que l'auteur a dû faire pour coller au mieux avec les faits de l'époque avec de riches passages concernant les villes, les cathédrales, le fonctionnement de l'économie anglaise, l'organisation des villages, les hiérarchies, les discriminations... La principale limite tient alors au déroulement de l'histoire. Assez vite les épreuves traversées par les personnages principaux deviennent un peu lassantes car répétitives. On anticipe assez vite qu'une fois un problème résolu, un obstacle surmonté, un autre va survenir. Et pour un ouvrage de plus de 1000 pages, l'histoire manque quelque peu de souffle sur la fin, même si un entretien attendu survient, qui permet de tout relier, de tout comprendre, du prologue jusqu'à la dernière page, confirmant ainsi certaines impressions sur les effets de la guerre, des accords passés, etc.