La réputation de l’inspecteur Bailey n’est désormais plus à faire et a même traversé l’espace jusqu’à atteindre les mondes Extérieurs. Une réputation qui n’est pas usurpée, dans un monde aux coutumes bien différentes, l’inspecteur terrien est en effet parvenu à résoudre un crime pourtant savamment mis en place, là où ont échoué ceux qui se plaisent à se croire supérieur. Mais les relations entre la Terre et les spatiens ne sont pas pour autant au beau fixe : pour conquérir d’autres mondes la Terre doit avoir l’approbation d’Aurora, le plus puissant des mondes spatiens, où certains s’y opposent farouchement. L’heure est grave lorsque le docteur Fastolfe, éminent scientifique influent, le seul Spatien à défendre les intérêts de la Terre, est accusé d’avoir détruit l’un des robots les plus sophistiqué qui ait été construit. Il va même jusqu’à affirmer que lui seul disposait des connaissances pour y parvenir ! Marque d’ego surdimensionné ou preuve de culpabilité ? Elijah Bailey va de nouveau devoir résoudre une affaire délicate, aux ramifications politiques conséquentes, dans un monde qui lui est étranger et qui ne veut pas de lui. Mais cette fois la mission semble bien impossible. D’autant qu’Elijah a désormais la quarantaine et se sent trop vieux pour explorer ainsi des terres inconnues. S’il a affronté le choc d’un environnement à l’air libre, l’absence de murs continue de le terrifier.

Il est intéressant de constater que sa relation avec l’androïde Daneel évolue encore. S’il hésitait encore à le qualifier d’ami dans « face aux feux du soleil », il n’éprouve plus aucune gène désormais à avouer son affection pour lui, et c’est avec un réelle plaisir qu’il le rencontre de nouveau. On est bien loin du coéquipier imposé à contrecœur !

La structure est sensiblement la même, mais avec il faut l’avouer, une baisse notable de rythme. Le début est vraiment bavard, une fois arrivée sur Aurora l’inspecteur tente de dénicher des indices dans de looongues conversations avec Fastolfe et Gladia. On suit toujours dans le moindre détail tous ces raisonnements logiques, ce qui devient là un peu lassant, d’autant que ça l’amène parfois à des conclusions que l’on sait d’avance erronées ou pas vraiment pertinentes. Bien qu’il faille se méfier, certains événements ont plus d’importances par la suite qu’attendu. Aurora ressemble trop par plusieurs aspects à Solaria pour susciter la même excitation de découverte, et encore moins par rapport à la Terre méconnaissable d’un futur proche.
Comme les deux derniers tomes de Fondation, « les robots de l’aube » a été écrit plus de vingt ans après. L’auteur semble avoir développé une plus grande propension à ajouter plus de pages (près de 600 contre 350 environ avant), là où pourtant son style présentait l’avantage appréciable d’aller droit au but.

Mais pas d’erreur, malgré ces quelques lignes de code, « les robots de l’aube » conservent toujours la qualité qui a fait du cycle des robots et de son auteur une référence. Une fois passée les échanges avec Gladia, qui s’épanche sur son état émotionnel, l’affaire avance et devient plus intéressante. Ce n’est pas que ces affaires de cœur n’intéressent pas, mais ce n’est pas là l’intérêt de ce livre.
Ainsi, plus que l’innocence du roboticien, c’est un débat entre deux courants de pensée qui agite la planète : l’un craignant que la Terre se répandant sur d’autres mondes ne devienne une menace, et l’autre refusant que cette tâche soit confiée à des robots humanoïdes qui ne feraient que reproduire à l’identique la même société sans la faire évoluer.

Aurora, « le monde de l’aube », contient malgré sa relative ressemblance avec Solaria plusieurs particularités intéressantes : des toilettes individuels (Personnels) à l’environnement modifiables à volonté, une sexualité libérée où l’amour n’existe plus vraiment (ce qui la rend très différente sur ce point), allant même jusqu’à accepter l’inceste, un système politique où un Président arbitre les conflits en privé plutôt que de permettre à l’ensemble de la société d’y faire face, et un individualisme, qui appliqué dans les sciences, conduit au ralentissement de l’avancée scientifique.

L’image de Fastolfe, perçu comme homme sage et avisé, vacille quelque peu après certaines conversations que l’on finit par se demander s’il ne pourrait pas finalement bien être coupable. Ce dernier parle de ses travaux, et confie que des robots humanoïdes ont été conçus pour mieux comprendre le cerveau humain. Car il en va des hommes comme des robots, chacun est régit par un programme, même si celui des humains est bien plus compliqué. Mais une fois décrypté, il deviendrait possible de prédire les événements des sociétés humaines et de s’y préparer, une toute nouvelle discipline…qui n’est d’autre que la psychohistoire, le thème de « Fondation » ! Un rapprochement intéressant, demandé par l’éditeur qui a incité/poussé Asimov à écrire deux tomes supplémentaires pour ces deux cycles, bien des années après. D’ailleurs, on peut remarquer que la stagnation des Spatiens est l’une des causes de la décadence de l’Empire, et « les cavernes d’acier » et « face aux feux du soleil » traitaient déjà d’avantage des sociétés humaines que des robots. Preuve que ce rapprochement n’a pas non plus été artificiel, malgré la relative baisse qualitatif de ces derniers tomes.
Enfin, la thématique des robots, moins centrale que les deux premiers tomes, n’en est pas pour autant mis de côté : si les auroriens font beaucoup d’efforts pour que leurs serviteurs mécanisés leurs ressemblent, ils ne leur donnent pas pour autant les mêmes droits : ainsi ils ne doivent pas se rendre aux Personnels, et des alcôves sont conçus spécialement pour eux dans les salles à manger pour qu’ils s’y rendent lorsque leur présence n’est plus requise. Un comportement qui n’est pas sans rappeler celui des esclaves en Amérique. Avec en prime des références à Susan Calvin, la première roboticienne, et à une des premières histoires en particulier.

Malgré des longueurs, « les robots de l’aube » contiennent donc tout ce que l’on est en droit d’attendre du maître : une histoire complexe et une réflexion intéressante.
Enlak
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le 9 oct. 2014

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